Franco adopte une réalisation minimaliste – avec, tout de même, un excellent usage de la profondeur de champ – pour produire le malaise. Certains plans durent, les cadres fixes renforcent l'impression d'enfermement des personnages. L'usage de lumières falotes appuie le manque d'éclat des protagonistes endeuillés. L'absence de musique nous laisse apprécier le visionnage sans être orientés émotionnellement.
Le milieu scolaire, en particulier le collège, est le théâtre de nombreux harcèlements. En microcosme qu'il est, ses individus – pour certains, encore inconscients et impitoyables – cristallisent leur mal-être sur une personne esseulée, le plus souvent introvertie et inoffensive.
Alejandra incarne la victime idéale aux yeux de ses agresseurs : manque de confiance en elle, moral ébranlé par
la perte de sa mère
, sollicitude envers son père qui la freine à partager ses maux. Ce silence l'isole et la plonge dans une dépression, où même les voyages scolaires virent au cauchemar.
Roberto, lui-même abattu par
le deuil de sa femme
, vivote également. Sa douleur le suit au travail, chez lui, et l'aveugle sur sa fille, percluse par la honte et la peur de l'informer de la situation. Les adultes, Roberto comme l'autorité scolaire, sont parfaitement inefficaces. Leur inaction collective favorise un cadre complaisant aux harceleurs : ni prévention ni solution.
En tant que spectateurs, nous sommes témoins, mais aussi prisonniers, des horreurs que subit Alejandra. Horreurs qui détonent souvent du contexte dans lequel elles s'opèrent :
en soirée, lors d'un anniversaire, pendant une sortie scolaire, à la plage
. Face à cette situation invivable, à laquelle l'école a tourné le dos, quelle échappatoire ?
Alejandra et Roberto en trouvent chacun une :
la fugue et la vengeance
. Aucune ne rend justice à la situation ni ne permet de lutter contre le harcèlement. La douleur leur fait franchir les limites morales ; et nous, spectateurs omniscients, demeurons impuissants. Ne nous reste plus qu'à tirer les leçons qui s'imposent de cette expérience fictive.