Darezhan Omirbayev est invité, grâce à L'Etudiant, pour la seconde fois au festival de Cannes, son film ayant été sélectionné dans la catégorie Un Certain Regard. Il avait déjà été repéré dans cette catégorie en 2001 pour son long-métrage La Route et en avait gagné le prix en 1998 pour Tueur à gages.
Darezhan Omirbayev est originaire d'une région éloignée de la capitale kazakh Almaty et n'a su que tardivement parler le russe (sa langue natale étant le Kazakh). De même, lorsqu'il est arrivé pour présenter ses films à l'étranger, il ne parlait aucune autre langue que celles de son pays. Son personnage principal dans L'Etudiant connaît une solitude parallèle à celle du réalisateur, mais c'est, chez lui, la culpabilité qui l'empêche d'en sortir. Le cinéaste reconnait par ailleurs que ce sentiment lui permit de devenir quelqu'un de très observateur et que ce sont ces observations continuelles qui lui donnèrent envie de réaliser des films "où tout serait montré au travers d'un regard".
Le réalisateur avoue être venu à Cannes à la demande de sa fille. Il n'était jamais auparavant sorti du Kazhakstan selon ses dires. Pourtant, dans une autre interview, il parle du souci de communication qu'il a pu avoir lorsqu'il présentait son premier film, Kairat, dans les festivals étrangers. L'énigme reste entière.
Lors d'une interview au festival de Cannes, le cinéaste s'est dit plus intéressé par la mise en scène que par les personnages de son film, d'où un choix de comédiens non professionnels pour la plupart. Il joue plus de la construction du cadre et du style de l'image que du jeu des acteurs et ne répète avec ceux-ci que sur le moment de tourner la scène.
Le film s'inspire d'un roman de Dostoïevski datant de l'époque où le capitalisme commençait à s'installer dans l'ancienne Russie. Or, selon le cinéaste, une seconde vague de capitalisme est actuellement en train de submerger le Kazakhstan. Comme l'écrivain, le réalisateur croit en la bonté profonde de l'homme, parfois dissimulé ou enfouie mais toujours présente, comme chez son protagoniste l'étudiant.
Chouga, son précédent film, est aussi tiré d'un roman russe, mais de Tolstoï cette fois-ci. Il s'agit de la célèbre "Anna Karenine", portée à la l'écran la même année que L'Etudiant par Joe Wright. Darezhan Omirbayev dit avoir été particulièrement sensible à la rencontre entre Anna et Vronsky dans l'oeuvre. De même, dans son adaptation de "Crimes et châtiments", la scène qui l'a décidé de porter son histoire à l'écran fut celle du meurtre, la plus riche du point de vue du langage cinématographique selon le cinéaste.
Outre la profession de cinéaste, Darezhan expose ses travaux photographiques et ne cesse de s'instruire dans ce domaine ainsi que dans celui de la peinture.
Darezhan Omirbayev dit beaucoup s'inspirer du cinéma de Robert Bresson à qui il emprunte son amour du cadre et du sous-entendu. Comme le metteur en scène d'Un condamné à mort s'est échappé, le réalisateur de L'Etudiant revient beaucoup sur des détails du corps humain et insiste peu sur la figure et les émotions qu'elle suscite. De plus, le thème de l'argent se retrouve tout aussi bien dans le film éponyme de Bresson que dans le film d'Omirbayev. Ce dernier fait également un clin d'oeil à Au hasard Balthazar du réalisateur français, via le meurtre d’un vieil âne épuisé, qui remplace le cheval orignal du roman de Dostoïevski.
"Nurlan Baitasov, qui interprète le rôle principal. C’est mon étudiant. Il veut réaliser des films documentaires. Je l’ai choisi parce que lorsque j’ai présenté un film indonésien, tous les étudiants sont sortis de la salle. Lui seul est resté jusqu’à la fin. Il était le seul à avoir de l’intérêt pour une autre culture". Le premier rôle du film n'est pas tout à fait extérieur au milieu du cinéma. Ultime paradoxe, cependant, l'acteur se destine à un cinéma où justement les comédiens n'ont pas lieu d'être, le film documentaire. Mais c'est également pour cette ouverture d'esprit et cette curiosité qu'il fut choisi par le cinéaste.
Le film d'Omirbayev s'ouvre sur les yeux de l'étudiant et se clôt sur le regard d’une petite fille. "Comme une ouverture vers un devenir", selon le réalisateur. Tout est joué au niveau du regard.