Les Invisibles : les secrets du tournage

Bien que le thème abordé soit l’homosexualité, le titre "Les Invisibles" renvoie surtout aux personnes âgées. Partant du constat que la presse ne s’intéresse que très peu aux personnes de cette classe d'âge et que la presse spécialisée ne s'adresse qu'aux homosexuels trentenaires, les plus de 70 ans seraient ainsi les grands oubliés de notre société, ne disposant d'aucune représentation.

C'est à partir de la passion de Sébastien Lifshitz pour la photographie qu'est né le film Les Invisibles. En effet, le réalisateur, qui collectionnait les photographies d'amateurs, a un jour acheté un album à deux vieilles dames. Par intuition, il a alors pensé que ces deux femmes étaient en couple, et ses recherches lui donnèrent raison. A partir de cette découverte, le réalisateur a recherché d'autres exemples photographiques de couples homosexuels de toutes époques confondues. Cette enquête a marqué le premier axe de recherche de son documentaire.

C'est pendant près de deux ans que le réalisateur a recherché des hommes et des femmes de plus de 70 ans, prêts à raconter leurs vies face à une caméra. Comme c'est le cas pour beaucoup de documentaires, afin de ne pas produire un film trop long, le montage final n'a pris en compte qu'une petite partie du résultat de ses recherches.

Sébastien Lifshitz témoigne du changement significatif dans l'affirmation de la sexualité entre l'avant et l'après Mai 68. En effet, les personnes interrogées dans le documentaire racontent que l’organisation en collectifs pour la dépénalisation de l’homosexualité, ainsi que pour l'égalité des droits, ne s'est faite qu'à partir de cette période de revendications sans précédent en France.

En utilisant le format scope et en jouant sur l'intervention de la musique, le réalisateur a voulu donner un aspect romanesque aux témoignages. Il souhaitait s'éloigner le plus possible du reportage pour amener son film du côté du cinéma de fiction. L'aspect pictural des paysages et des intérieurs agit beaucoup sur la narration et transforme les personnes interrogées en véritables héros.

Pour Sébastien Lifshitz, il était important d'éviter une lecture victimaire de l'homosexualité. Ne reniant pas les drames du passé comme les persécutions et les condamnations, il propose d'analyser le passé de façon plus complexe en donnant aussi des exemples de tolérance et de couples vivant ouvertement leur amour. Pour le réalisateur : "Ce film rend hommage à toutes ces personnes qui, par le simple fait d’avoir vécu aussi librement, ont permis que nous ayons les libertés que nous connaissons aujourd’hui. Il faut rappeler le combat qui a été mené, raconter les ennemis de toujours, la pensée réactionnaire qui n’attend que de pouvoir réapparaitre. Il n’y a jamais rien d’acquis."