Malgré un pitch et une affiche laissant clairement entendre qu’on n’est pas face au blockbuster de l’année mais bien devant un film d’auteur, j’avoue que j’attendais beaucoup de cette confrontation entre deux fantastiques acteurs amoureux du théâtre et de leur joute verbale enflammée. Au final, "Alceste à bicyclette" restera, pour moi, comme un sommet de prétention, la fois bobo, bavard et terriblement long ! Il faut dire que le réalisateur, Philippe Le Guay, n’y est pas aller de main morte et a cumulé tous les ingrédients du film d’auteur typiquement parisien avec les acteurs théâtreux qui snobent l’industrie du cinéma et vomissent tout ce qui a attrait à la télévision, son adoration limite sectaire pour la littérature classique, ses scènes d’intimité sans le moindre intérêt, ses ballades à vélo sur l’Ile de Ré… Dans cette optique, "Alceste à bicyclette" impose, comme une évidence, que le Misanthrope est une merveille, appréciée de tous et à laquelle on en peut pas attenter… soit un postulat de départ un peu autoritaire qui ne laisse pas beaucoup le choix aux spectateurs. Difficile, dès lors, de ressortir de ce film sans considérer comme "inférieure" toute personne n’ayant pas lu l’intégrale de Molière… ce qui est assez moyennement agréable lorsqu’on se trouve effectivement dans cette catégorie ! D’ailleurs, le principal défaut du film est, sans doute, de s’adresser à un public d’initiés, qui connaît parfaitement l’histoire du "Misanthrope"... à défaut de quoi il est quasiment impossible de saisir les allusions constante du scénario à l’œuvre de Molière (à commencer par le rôle perturbateur de Francesca, inspirée de Célimène), le spectateur "inculte" (dont je fais partie) ne pouvant, tout au plus que comprendre que les deux héros sont une projection d’Alceste et Philinte. Le réalisateur a visiblement oublié qu’il n’était pas au théâtre mais bien sur un plateau de cinéma… oubliant, au passage, les règles les plus élémentaires de montage (certaines coupures piquent les yeux), de dialogues (tout sonne faux ici) et, plus étonnant, de direction d’acteur ! Bien qu’étant fan de Fabrice Lucchini et de Lambert Wilson (deux de nos meilleurs acteurs actuels), je me suis particulièrement emmerdé devant leurs interminables répétitions, qui n’est, au final, rien d’autre que de la lecture de texte, parfois émaillée de commentaires sur l’œuvre. Le Guay aurait été bien avisé de se souvenir qu’au cinéma, les spectateurs ne sont pas en admirations devant des acteurs au seul motif qu’ils connaissent leur texte par cœur… même s’il s’agit d’un texte "noble". Même leurs scènes hors répétitions sont d’un ennui puissant puisque Lucchini se contente d’être la caricature de lui-même (le drôlerie en moins) et Wilson a du mal à faire oublier son improbable brushing, les deux acteurs étant, il est vrai, peu aidés par des dialogues très artificiels. Quant aux seconds rôles, ils souffrent de la surexposition des deux vedettes et se voient privés de toute substance, y compris Maya Sansa qui campe une voisine italienne sans intérêt (si ce n’est le prétexte fumeux de balancer une italienne lors de répétitions… à l’italienne). J’avoue, d’ailleurs, que je n’ai absolument pas compris ce que le réalisateur a voulu dire avec ce film (le réalisateur semblant se mettre du côté du misanthrope contre le gentil de l’histoire qui aura eu le tort de déraper une fois), de même que je ne comprend pas la bienveillance des critiques sur le ridicule de certaines scènes, à la fois éculées et hors de propos (les chutes à vélo, la bagarre sur le marché, le déballage final…) mais également sur le dispersement inutile du scénario vers certaines sous intrigues (la rancœur du chauffeur de taxi envers Gauthier, les aspirations de comédienne de l’actrice porno…). Bref, "Alceste à bicyclette" est, pour moi, un monstrueux raté d’une invraisemblable prétention, qui semble sorti d’un univers complètement déconnecté de la réalité et où il ne se passe finalement rien. Seuls points positifs : l’échange sur la "double péné à 8h du matin" qu’on n’attend pas là (mais qui fait un peu intellectuel qui s’encanaille) et l’enrichissement de ma culture personnelle puisque, maintenant, je sais que le misanthrope de Molière s’appelle Alceste.