Le cinéaste Alexis Lloyd n'a pas toujours été dans le milieu du cinéma. Après de grandes études (ENS, Sorbonne, ENA, Science Po), il passa plusieurs années dans l'Inspection des Finances. Il a démissionné à 30 ans, dans le but de changer de vie et plonger dans le monde du septième art, pour aujourd'hui réaliser son premier long-métrage.
Avant de se mettre à la réalisation, Alexis Lloyd a exercé pendant longtemps le métier de producteur, notamment au sein de la branche britannique de Pathé. Celui qui a commencé dans le métier grâce à Claude Berri et Paul Rassam a réussi plus tard à superviser la co-production et la distribution de plus de 90 films, et la production de 9 films à la tête de Pathé UK. Parmi ces 9 films, on remarquera Topsy-Turvy de Mike Leigh, Ratcatcher de Lynne Ramsay, Peines d'amour perdues de Kenneth Branagh ou encore Rédemption de Michael Winterbottom.
Le titre du film, 30 beats, est une allusion à un rythme et une chorégraphie, qui dépassent les individus. Une sorte de valse à trente temps.
Le film est inspiré de la pièce "La Ronde" d'Arthur Schnitzler écrite en 1897. D'ailleurs, la pièce d'origine se passe dans le Vienne de la fin du 19e siècle. Elle fut déjà adaptée en 1950 par Max Ophüls, avec Simone Signoret et Gérard Philipe, puis en 1964 par Roger Vadim.
30 beats adapte très librement la pièce d'Arthur Schnitzler, et le réalisateur Alexis Lloyd était désireux de conserver l'esprit d'une variation autour du thème de l'amour, plutôt que de faire une simple adaptation. Comme il le souligne, "le film est tout autant inspiré par les histoires emboitées et les péripéties amoureuses des "Mille et Une Nuits" et par le cinéma italien des années 1960."
Alexis Lloyd a voulu faire de son film un vrai film de cinéma. Loin du ton théâtral de la pièce d'origine, il a travaillé avec ses acteurs selon la méthode de l'Actors Studio, pour coller à la réalité, et faire oublier la caméra : "Je souhaitais faire un film où l'on sente le moins possible la mise en scène, le jeu des acteurs, les effets de caméra. Je voulais qu'on soit le plus proche possible des corps, qu'on sente l’électricité et la moiteur de l'air entre ces personnages, qu'on réduise au maximum la distance avec le spectateur", explique t-il.
Dans l'écriture du scénario et dans son travail avec les acteurs, Alexis Lloyd a toujours eu tendance à s'affranchir de l’œuvre d'Arthur Schnitzler : "Schnitzler a écrit ses personnages comme des archétypes, aucun d'entre eux n'a de nom propre, il a développé leur côté typique plutôt que leur singularité. C'était novateur pour son époque", admet-il, tout en défendant sa position : "J'ai été conduit à faire des choix opposés (...), à savoir pousser les personnages et les situations dans des angles inhabituels, atypiques, pas franchement marginaux ou excessivement bizarres, mais à la limite". Selon lui, il revient au cinéma d'explorer les chemins moins fréquentés, les situations plus inhabituelles, là où la télévision exploite de manière frontale les archétypes et les conventions.
D'après son réalisateur, pour aller à l'encontre d'une société généralisant beaucoup trop les images pornographiques, et malgré son sujet très tendancieux, le film ne montre aucun acte sexuel explicite, rappelant ainsi la part de mystère liée au passage à l'acte, et à l'imaginaire personnel de chaque spectateur.
Parlant de rapports intimes, le traitement de la peau dans le film a eu droit à un soin tout particulier. Selon Alexis Lloyd, "la peau est l'une des plus belles choses à photographier, parce qu'elle touche à notre intérieur le plus sensible et sensoriel". L'une des ambitions du film est d'ailleurs de mettre en scène la connexion entre la peau et le psychisme, l'épiderme et le système nerveux et ses réactions parfois incontrôlables.
Pour créer une sensation de chaleur, le film se déroulant pendant une canicule, il a fallu directement travailler sur l'aspect sensoriel des choses : les peaux, la sueur, les signes extérieurs (ventilateurs, glaçons, costumes, etc.). Pour augmenter cette sensation étouffante, les techniciens ont poussé les contrastes et les hautes lumières, et un travail sur le son, pour exagérer la moiteur et l'humidité en contact avec la peau, a été opéré.
Alexis Lloyd a donné naissance à 30 beats, poussé par son envie de faire un film sur New-York. A la recherche d'une ville qui serait un véritable catalyseur d'émotions, il s'est porté naturellement vers la mégalopole américaine. Ici, la ville est perceptible de façon quasi-sensorielle, et a véritablement le rôle d'un organisme vivant, tel un personnage à part entière.