Lauréat du Teddy Award (le prix LGBT) du festival de Berlin, « Keep the lights on » raconte l’histoire d’amour passionnelle et douloureuse entre deux hommes dont l’un est en proie à l’addiction au crack. Le film s’inscrit dans la lignée de « Week end« d’Andrew Haigh en s’écartant du thème du coming out et de l’acceptation de sa sexualité pour se concentrer sur la relation d’un couple, dans ses bons comme ses très mauvais moments.
Comme dans « Week end », d’ailleurs, tout commence par un coup d’un soir. Erik (Thure Lindhardt), réalisateur d’origine hollandaise de trente ans, cherche un plan cul sur un chat téléphonique et prend rendez-vous chez Paul (Zachary Booth, qui incarne le fils de Glenn Close dans la série Damages) dans son appartement de Manhattan. Après avoir fait l’amour, Paul prévient Erik qu’il ne doit pas s’attendre à plus car il a une petite amie. Et pourtant, cette nuit marque le début d’une relation qui va durer dix années, à partir de 1988.
C’est à travers le point de vue d’Erik (ou du réalisateur Ira Sachs, le film étant très largement autobiographique) que l’on va ensuite suivre les différentes étapes de cette relation, entrecoupées d’ellipses, sur plusieurs années. Quand la passion du début laisse place à l’intrusion de la drogue et que Paul disparaît plusieurs jours sans donner trace de vie, le coup de foudre vire à la tragédie intime. Si l’on veut, comme le personnage principal, croire que Paul va s’en sortir, après de multiples promesses et une première cure de désintox, l’addiction semble toujours la plus forte. Finira-t-elle par avoir raison du couple, qui se sépare et se retrouve toujours, chacun étant aussi accro l’un à l’autre ? Erik aura-t-il la force de combattre le fléau qui ravage son couple et de soutenir son compagnon dans ses moments de déchéance les plus sordides ? Des questions qu’Erik ne cesse de se poser au fil du temps et au gré de ses propres errances, auxquelles on devine malheureusement la réponse.
Malgré les épreuves terribles que va connaître cet homme qui tente coûte que coûte de sauver son couple, le film offre aussi de véritables moments de grâce et d’amour partagés, d’autant plus cruels qu’ils sont toujours très éphémères. « Keep the lights on, I want to see you », lui-dit Paul quand ils se retrouvent au lit après des mois de séparation, car quoi qu’il ait pu se passer entre eux, le lien qui unit ces deux êtres est si fort qu’ils se connaissent par coeur et que le regard qu’ils portent l’un sur l’autre veut tout dire. D’où cette impression d’un immense gâchis.
Un film très personnel et véritablement touchant, grâce à l’interprétation à fleur de peau de ses deux acteurs principaux et à la mise en images soignée de son réalisateur, qui sait très bien mettre en valeur la beauté de ses acteurs.