Les sujets abordés par A travers les branches d'un arbre sont multiples. Daniel Duqué a par exemple voulu mettre en scène de façon sous-jacente l'idée d'une guerre lointaine : "Mon désir était de traiter sans artifice ces échos de la guerre, en sous-terrain. Au fond il m’importait de découvrir, faire se révéler les liens entre la guerre et nous. L’appréhension (dans les deux sens du terme) de la guerre devait venir au spectateur, vivre en lui, par la mise en œuvre de moyens simples qui suggèrent et laissent à chacun le champ libre de pressentir plus que de voir. Les multiples moments du terrain vague alimentent cela. Mais il y a aussi les avions, ils sont omniprésents par leur vacarme plus ou moins lointain", explique-t-il.
L'écriture d'A travers les branches d'un arbre a débuté en 2003. Une longue gestation, donc, qui s'est nourrie du quotidien de l'auteur Daniel Duqué. Brassant son rapport à la presse, son observation et son cheminement personnel (notamment avec son père), le réalisateur a ainsi voulu créer une expérience singulière et personnelle. Mais il y a également eu ce fameux roman qu'aborde le metteur en scène : "J’avais lu un livre, c’était un jeune enfant qui sortait de la toute puissance imaginaire, de l’illusion, apprenait la douleur, c’était très dur, beau… J’ai alors éprouvé… je crois que c’est le mot, éprouvé, que je devais parler de ce moment où, pour l’enfant, l’adulte, parfois, tout bascule, où l’on doit grandir. Mais aussi j’avais vécu quelque chose avec mon père, avant sa mort, je l’avais retrouvé après des années de drame couvert et de silence réciproque, nous avions pu reparler… c’était au fond très simple mais… ça y était", confie-t-il.
Pour incarner Pierre, un personnage qui sort d'un état d'apnée, il a fallu à Daniel Duqué dénicher un jeune homme ou un enfant possédant en lui quelque chose de vieux. L'auteur s'est finalement tourné vers un comédien plus âgé, entre vingt et trente ans et d'une apparence "sans âge" : Philippe Le Gall.
Le titre du long-métrage A travers les branches d'un arbre recèle en réalité une métaphore permettant de donner corps au récit. A l’ouverture du film, l’arbre empêche en effet la chambre de Pierre (endormi) d’accéder à la lumière, mais aussi aux informations sonores de l’extérieur. Cet arbre, planté au moment du départ du père, a poussé jusqu’au niveau de la fenêtre. Pierre a, quant à lui, grandi dans l’inconscience du monde extérieur, et ce sera l’abattage de l’arbre qui lui donnera l’impulsion de retrouver ce père absent et oublié, puis d’en effectuer le deuil. Plus qu’une banale allégorie, l’arbre fait donc figure d'ouverture métaphysique.
Parmi les réalisateurs fétiches de Daniel Duqué, on peut citer Charles Chaplin, Jean Renoir, Jean Vigo ou encore Ingmar Bergman. Mais l'impulsion décisive qui l'a amené à la réalisation provient sans aucun doute de metteurs en scène comme Andrei Tarkovski, Robert Bresson, Michelangelo Antonioni et Abbas Kiarostami : "C’est surtout leur esprit, leur éthique du cinéma, leur force intérieure que je reçois encore, l’engagement de leur personne entière", explique le cinéaste.
Pour mobiliser des distributeurs, Daniel Duqué a dû faire preuve d'une foi inextinguible en son long-métrage. Au départ, pas un seul distributeur n'accepta de se lancer dans l'aventure. Le principal festival consacré au cinéma suisse, Les Journées de Soleure, allant même jusqu'à refuser l'intégration du film à l'évènement. Le metteur en scène a donc été contraint d'attendre près de deux ans avant de voir sa persévérance récompensée.
Ce n'est pas la première fois que Daniel Duqué fait preuve d'une inspiration aux accents poétiques dans le choix d'un titre. Avant A travers les branches d'un arbre, il avait réalisé un court-métrage intitulé Derniers pétales d'une marguerite. La récurrence ne s'arrête pas là puisque la thématique centrale de ce court métrage était relativement comparable à son nouveau film. Il y était en effet question d'une vieille dame qui voyait défiler ses souvenirs d'enfance depuis l'ambulance la transportant. Cette fois-ci, c'est l'odyssée d'un homme et de sa sœur sur les lieux où leur père a vécu qui est mise en scène. Dans les deux cas, il s'agit d'un retour dans le passé par-delà le temps et les distances.
Le cinéaste Daniel Duqué a tenté, avec A travers les branches d'un arbre, de créer un univers propice pour que chaque spectateur puisse y dérouler ses introspections. Pour ce faire, l'auteur a mis en place un dispositif à même de stimuler l'imagination : "Le cinéma est avant tout l'art de la spatialisation. A travers le son et ce qu'on ne voit pas, on peut faire voyager encore plus", explique-t-il, en poursuivant : "Depuis 20 ans, c'est ma manière de voir le cinéma. Je suis persuadé qu'on peut faire un cinéma qui allège la vie. Le spectateur ressort troublé mais allégé, le film rejoint ses propres chemins."