C’est le deuxième long-métrage de fiction de Sergeï Loznitsa, après My Joy (2010). Présenté au festival de Cannes en 2012, il y a reçu le Prix de la critique internationale (Fripresci). L’histoire, adaptée d’un roman de Vassil Bykov, V tumane, brosse un tableau de la guerre de 1939-1945, côté biélorusse, côté rural, avec ses occupants allemands et surtout sa population locale, fortement divisée dans un contexte qui met à mal les liens sociaux. Mais l’ambition du réalisateur n’est pas de se livrer à une ample reconstitution historique. Il donne au récit une orientation intimiste via le portrait de trois hommes, Sushenya et les deux résistants venus l’exécuter, qui font l’objet de trois flash-back expliquant leur situation présente. Trois rapports différents à la guerre et à l’engagement. Le portrait du personnage central, Sushenya, est le plus intéressant : homme simple, innocent meurtri, embourbé dans une situation cruelle, aussi injuste qu’inextricable, et qui se lance dans un chemin de croix pathétique… Où il est question d’honneur, de morale, de culpabilité. L’acteur Vladimir Svirskiy, avec son regard abattu ou embué de larmes, est particulièrement touchant. Côté réalisation, on apprécie certains plans-séquences, l’esthétique « forestière » (jolie photo au fond des bois) et une façon singulière de diffuser une tristesse brute et quasi muette. Cette qualité artistique et cette sensibilité sont malheureusement un peu plombées par des choix radicaux et austères : absence de musique, extrême lenteur de la narration, ton monocorde… L’ensemble n’en demeure pas moins intéressant.