Kingsman c’est cool.
J’ai beau retourner ça dans tous les sens, le héros n’est pas spécialement attachant, le scénario n’a rien à envier niveau incohérence à un Transformer, la VF de Samuel L Jackson donne envie de fouetter des chatons, mais j’en reviens toujours au même point : ce film est cool.
Pourtant j’en attendais rien, rien de rien, la bande-annonce semblait annoncer un énième film d’espionnage à l’esthétique flashy navrant de médiocrité entre GI Joe et Spy Kid ; jamais je n’ai eu aussi tort. Déjà Matthew Vaughn c’est un bon. S’il a vraiment percé avec Kick-Ass en 2010, révélant au passage Aaron Taylor-Johnson et Chloe Moretz tout en mettant un salvateur coup de défibrillateur à la carrière de Nicolas Cage, c’est avec X men le commencement qu’il a vraiment mis tout le monde d’accord : les super héros et les gros budgets c’est son truc.
Avec Kingsman le pari est à moitié risqué. Périlleux car Colin Firth en machine de mort ce n’était pas gagné, que c’est une nouvelle franchise et que la grande tendance des films d’espionnages de ces dernières années c’est plutôt le serious business et pas vraiment l’humour et les stylo laser/répulsifs à requin, le cadavre putréfié du chapeau melon et botte de cuir de 1998 est là pour en témoigner.
Après Vaughn est mine de rien resté en terrain connu. Kingsman est à la base un comic scénarisé par Mark Millar, l’auteur de Kick Ass justement mais aussi de Wanted : choisis ton destin qui parle déjà d’une société secrète d’espion/assassin (adapté en film en 2008), de plus le genre est celui de ses premiers amours. En effet le premier film de Vaughn est le film d’espionnage très correct : « Layer Cake » avec Daniel Craigh dans le rôle-titre. Le duo Craig-Vaughn a d’ailleurs tellement séduit Hollywood qu’on leur proposera de tourner Casino Royal, reboot de James bond, au final seul Craig sera retenu, mais qu’importe ça n’entame en rien l’amour de Vaughn pour ce style de films.
Le réalisateur est un gros fan et ça se sent, de Max la menace à Jason Bourne les références sont nombreuses, les plus marquantes étant certainement James Bond et John Steed, le mythique espion de la série télé The Avengers incarné par Patrick Macnee so british jusqu’à la moelle. Le scénario est en effet au croisement de ces univers : une organisation ultra-secrète anglaise, les Kingsmen, doivent trouver un remplaçant à l’un d’eux mort en mission, chacun des Kinsman portant le nom d’un chevalier de la table ronde propose donc un candidat. On suit Galahad (Colin Firth) prendre sous son aile Eggsy (Taron Egerton dont c’est la première grosse apparition à l’écran). En parallèle du processus de sélection du Kingsman dans l’institut Xavier (sérieux il y a même je jardin qui s’ouvre pour laisser sortir un avion), les Kingsmen cherchent à déjouer un complot mondial.
Une bonne partie de son charme, le film le doit à son univers qui s’il est volontairement cliché et référencé, n’en reste pas moins attachant. L’exemple le plus emblématique est le personnage de Colin Firth mélange improbable mais fonctionnel entre son rôle de George VI dans le discours d’un roi (la claque de 2011) d’une classe toute britannique et de Hit Girl pour le côté ninja des enfers. Si j’ai moins aimé l’aspect #YoloSwagg du personnage du milliardaire fou de Samuel L. Jackson ou le look Ali G du héros, force est de constater que l’idée d’opposer ce style aux costards des Kingsman reste une bonne idée.
Le film ressuscite avec brio l’esprit Pulp des meilleurs James Bond où l’on attendait fébrilement les délirants et improbables gadgets que Q (Desmond Llewelyn, qui a disparu en emportant avec lui une partie du sel de la série) tout en y ajoutant des éléments très moderne, de la pratique du parkour d’Eggsy à la jouissive scène de baston à l’église qui est un (faux) plan-séquence culte à la Old Boy où l’on retrouve le louable et tarantinesque gout du réalisateur pour les musiques décalées, l’ultra violence gore stylisée et le politiquement incorrect.
Oui car c’est peut-être là ce qui m’a le plus séduit, à l’instar de Kick Ass qui démystifiait le super héros, ici c’est le même traitement iconoclaste qui attend l’agent secret coureur de jupons et spécialiste d’alcool fort. On se demande sans cesse si on est dans de la parodie ou non, surtout dans la dernières demi-heure où toute tentative de cohérence scénaristique est abandonné au profit d’un gigantesque foutoir d’action à mourir de rire filmé avec une énergie et une virtuosité qui en fait un pur concentré de fun.
Qu’importe si on n’y croit pas une seconde, que ça fait plus Scott Pilgrim ou Kill Bill que Dr No, que c’est parfois stupide, que la morale est plus que douteuse ; Kingsman c’est avant tout un délire décomplexé de deux heures que l’on ne voit pas passer, une déclaration d’amour au genre et probablement le début d’un univers attachant que je ne demande qu’à voir se développer sous la caméra de Matthew Vaughn, décidément très doué pour le divertissement de qualité.