L’envie vous démange de réaliser un road movie ? C’est très simple, suivez ces conseils.
Pour commencer, choisissez deux personnages aussi différents que possible. Par exemple, le patron très friqué d’un gros cabinet d’architectes, et un étudiant désargenté ayant abandonné ses études, l’un quinquagénaire (au minimum), l’autre ayant une génération de moins. S’ils sont de nationalités différentes, ce sera l’idéal, mais attention, l’un devra parler la langue de l’autre, sinon ce sera l’impasse. Bien entendu, ils ne devront pas aimer les mêmes musiques : le « vieux » écoutera du classique, et le jeune, du rap ou de la pop. Arrangez-vous pour les faire se rencontrer sur une route, le plus jeune faisant du stop quand l’autre aura un rendez-vous urgent à des centaines de kilomètres de chez lui – et si c’est à l’étranger, tant mieux, on verra du pays. Le voyage devra durer plusieurs jours, et ils seront obligés, au moins une fois, de partager la même chambre (les hôtels sont toujours complets, comme on sait). Pour faire durer, et s’ils doivent se séparer, débrouillez-vous pour inventer des occasions de les faire se rencontrer de nouveau un peu après leur première séparation : il faut tenir une heure et demie !
Impératif, l’un des deux doit avoir un secret, mais attendez la dernière demi-heure pour le révéler. Pas de gaspillage. Et faites en sorte que ce secret ait un rapport, même un peu lâche, avec la relation épisodique de vos deux personnages ; par exemple, l’aîné a perdu un fils, et il retrouve en l’autre une sorte de fils de substitution, d’autant mieux si ce dernier n’a plus de famille, ou une famille qui ne peut plus le voir.
N’oubliez pas les incidents : prévoyez-en plusieurs qui doivent affecter l’un ou l’autre des personnages, voire les deux. Il est important qu’une menace quelconque pèse sur eux, mais tout aussi important que les choses s’arrangent, pas trop avant la fin du film. Par exemple, l’un ou l’autre a commis une mauvaise action, et quelqu’un les recherche. N’oubliez pas le truc de Victor Hugo avec son Javert passant vingt-et-un ans de sa vie à courir après Jean Valjean, qui, tous comptes faits, n’avait au départ que volé une miche de pain (il n’était nullement accusé d’avoir dérobé deux chandeliers précieux à un évêque) !
Ne vous inquiétez pas si certaines de vos scènes sont téléphonées, c’est-à-dire archiprévisibles. Par exemple, si un personnage entre dans un bar la nuit et qu’une fille l’aborde, peu importe si les spectateurs devinent que le petit ami en titre de la fille va venir s’en mêler et tabasser votre héros : ils ont vu ça cent fois, les spectateurs, mais la scène plaît toujours. De même, si un jeune sans autre famille que son grand-père, pas vu depuis des années, vient le voir et lui demande s’il peut rester, faites en sorte que le grand-père refuse, car le jeune homme DOIT reprendre la route pour continuer le road movie ! S’il « se pose », comme disent les gens bien-pensants, le film s’arrête, et il faut éviter.
Bien, je pense que ces conseils vont seront utiles. Et, en cas de panne d’inspiration, comme c’est évidemment le cas de la réalisatrice du film dont je fais ici l’éloge et qui n’en est qu’à son deuxième long métrage, pas de panique : elle a tout simplement repris les deux acteurs et le même cadre que dans son premier film. Après tout, c’est dans les vieilles marmites qu’on fait la meilleure soupe. Surtout si on suit la recette qui figure ci-dessus !