La réalisatrice Emily Atef déclare avoir eu l'idée de faire son film après avoir vu la pièce de théâtre Roberto Zucco, adaptée de l’œuvre de Bernard-Marie Koltès, qui raconte l'histoire d'amour entre une femme et un tueur en série. Elle ajoute avoir insufflé un côté Bonnie and Clyde à son duo en déroute.
Le film d'Emily Atef aborde la problématique de la quête identitaire en milieu naturel, rappelant ainsi l'univers du conte. La cinéaste explique qu'elle a surtout voulu conférer un côté animal à ses deux protagonistes, qui vont apprendre l'un de l'autre malgré leurs contradictions. Tandis que l'une veut mourir, l'autre se considère comme un survivant : c'est de cette opposition radicale que les personnages vont se nourrir.
Le film, qui se passe la plupart du temps en pleine nature, se déroule en petite partie à Marseille, ville qui symbolise pour la cinéaste l'ouverture vers l'Afrique et donc la fin de l'Europe. Selon elle, il était indispensable que ses personnages passent par Marseille, lieu qui "amène quelque chose entre le poétique et le mystique" à son intrigue.
Alors que ses deux protagonistes errent dans la nature et évoluent au gré de leurs pérégrinations, la réalisatrice approuve l'idée que son film puisse être compris comme un road-movie sans voiture. Concept pour le moins particulier, mais qui s'explique par un parallélisme entre le cheminement physique des personnages d'une part, et psychologique de l'autre. Par ailleurs, Emily Atef déclare s'être inspirée de films comme La Balade sauvage (Terrence Malick) pour construire Tue-moi.
Pour Emily Atef et sa scénariste, il est important que l'intrigue repose sur des bases psychologiques réalistes. Cependant, les deux femmes ne font pas forcément le choix de les exprimer par le dialogue : elles privilégient le plus souvent l'image, très travaillée, censée conférer le réalisme et la vraisemblance attendus. Ici, les deux collègues se sont basées sur le fil conducteur suivant : "L'idée était que la caméra aille au même rythme qu'eux (les personnages), qui se rapprochent doucement l'un de l'autre", affirme la réalisatrice.
Bien que le film parle essentiellement de la cavale d'un meurtrier, se ralliant en cela aux codes traditionnels du thriller, Emily Atef admet s'en être rapidement détournée au profit d'un paramètre plus humain, à savoir la relation entre les personnages, qui, selon elle, est le réel motif de suspense de son film : "Finalement, les vrais rebondissements du film sont dans l'évolution de cette relation", explique-t-elle.
Malgré toutes leurs différences, les deux personnages sont unis dans la même douleur : c'est le manque d'amour qui est à l'origine de leur mal-être. D'ailleurs, la réalisatrice avoue avoir travaillé en étroite collaboration avec sa scénariste Esther Bernstorff en se basant sur des "travaux de psychologues pour enfants qui mettent en relation le développement affectif et l'amour reçu dès la naissance."
Dans Tue-moi, la jeune adolescente est âgée de 16 ans, alors que le tueur avec qui elle part en cavale en a 40 ! La cinéaste voulait créer une ambiguïté dans leur relation, à la fois affective et filiale, tout en montrant que la tension sexuelle était à exclure d'emblée. Elle pousse la complexité de la situation à son paroxysme en déclarant qu'au final, le meurtrier se retrouve être en quelque sorte "l'otage" de la jeune fille, développant l'idée que son film aborde le thème du syndrome de Stockholm à l'envers !