Lors de sa diffusion en salles, Vice Versa sera précédé de Lava, le nouveau court métrage des studios Pixar. Il s'agira d'une histoire d'amour sur fond de musique hawaïenne au milieu de paysages tropicaux et de volcans sous-marins. A noter toutefois que ce court métrage sera mis à la disposition des exploitants de salles qui se réservent le droit de le diffuser ou non. Il sera donc possible de le voir dans certains cinémas et peut-être pas dans d'autres.
Il s'agit du quinzième long métrage de Pixar qui nous présente ici un nouveau projet totalement original. En effet, ces dernières années, les studios nous avait habitués à faire des suites de leurs premières créations (excepté Rebelle en 2012) comme Toy story 3 ou Cars 2 et se sont même lancés dans l'exercice du "prequel" avec Monstres Academy. Cette tendance devrait bientôt reprendre puisqu'après la sortie de leur prochaine innovation, Le Voyage d'Arlo, nous devrions retrouver certains personnages familiers avec Le Monde de Dory, suite du Monde de Némo, ou encore Toy Story 4. Par ailleurs, des projets comme Cars 3 et Les Indestructibles 2 ont d'ores et déjà été annoncés.
C'est en regardant sa propre fille grandir et subir un bouillonnement hormonal intense, au début de son adolescence, que le réalisateur Pete Docter a eu l'idée de créer un film, qui serait centré autour des émotions humaines et qui chercherait à répondre à la question qu'un grand nombre de parents se posent : "Que peut-il bien se passer dans la tête de nos enfants lorsqu’ils grandissent ?".
Selon plusieurs scientifiques, l'esprit humain peut exprimer près d'une trentaine d'émotions différentes. Mais, afin de rendre l'histoire de Vice Versa plus accessible, le metteur en scène a préféré n'en retenir que cinq. Quelques autres, comme la fierté ou la confiance, étaient présentes dans une première version du script, avant d'être supprimées au moment de la réalisation.
Au tout début du film, c'est Joie qui est l'émotion la plus présente dans l'esprit de Riley car il s'agit de sa nature profonde, comme l'explique le réalisateur : "Les Émotions sont un peu comme ces petites voix que l’on entend dans notre tête. Lorsque nous avons commencé à travailler sur ce film, nous avons observé les gens autour de nous - nos enfants, nos amis, nos collègues - et avons réalisé que tout le monde avait une émotion dominante. On traverse tous des périodes de bonheur ou de tristesse, mais certaines personnes sont naturellement joyeuses, tristes ou en colère. Riley fait partie de la première catégorie. Joie se devait donc d’être la première Émotion à se manifester, et elle entretient une relation très particulière avec Riley."
C'est au moment où Joie et Tristesse se perdent dans l'esprit de Riley que celle-ci ne parvient plus à exprimer ces deux émotions et devient une fille assez froide, selon le coréalisateur Ronnie Del Carmen : "C’est un phénomène qui se produit à l’adolescence. Riley change et n’est plus heureuse, ce qui l’empêche d’exprimer de l’empathie. Elle se transforme en adolescente maussade."
Vice Versa traite également de l'adolescence et comment les émotions se trouvent complètement bouleversées par les changements qui s'opèrent dans la vie de Riley. Mais c'est aussi une période où l'on commence à voir la vie avec plus de gravité, de sérieux et de profondeur : "Joie réalise qu’après tout, Tristesse pourrait bien avoir son rôle à jouer dans la vie de Riley (...). La clé du bonheur - que ce soit dans ce film ou dans la vie en général - se trouve surtout dans la façon de voir les choses. Joie est capable d’apprendre, de grandir et de reconsidérer sa propre définition du bonheur. Au début, il s’agit surtout de se payer de bonnes parties de rigolade et de manger des glaces - et il n’y a rien de mal à ça. Mais la vie nous apprend qu’il faut aller plus loin", témoigne Pete Docter.
Au cours de leur aventure, Joie et Tristesse vont faire la connaissance d'un autre personnage qui va leur servir de guide, Bing Bong, l'ami imaginaire que Riley s'est créé quand elle était enfant mais qu'elle a désormais oublié. Pete Docter explique : "Il était très présent lorsque Riley était petite et qu’elle avait l’imagination fertile. Mais aujourd’hui, on dirait un acteur au chômage qui tente désespérément de faire son retour sur scène !"
Vice Versa aborde un thème commun à de nombreux films des studios Pixar, comme le fait de grandir ainsi que l'émotion douce-amère de voir le temps et la vie passer avec son lot de bouleversements et de changements. Autant de sujets qu'on retrouve aussi bien dans la saga Toy Story que dans Là Haut ou encore Rebelle.
Le comédien français Gilles Lellouche qui double ici "La Colère" avait déjà travaillé sur une production Pixar puisqu'il prêtait sa voix au personnage de Martin dans Cars 2.
Ce film marque la seconde collaboration entre le réalisateur Pete Docter et le compositeur Michael Giacchino. Ils avaient déjà travaillé ensemble sur Là Haut, pour lequel le musicien avait été récompensé par un Oscar. Concernant son travail sur cette nouvelle histoire, il déclare : "Pete Docter voulait que la musique de Vice Versa vienne de l’intérieur, qu’elle émane des pensées des personnages. Nous avons donc opté pour une musique atmosphérique, loin d’une musique de film traditionnelle (...). La musique devait être à l’image du film : pleine d’émotions. Je ne savais pas exactement ce à quoi je voulais qu’elle ressemble, mais je savais ce que je voulais qu’elle exprime. C’est un film très intime."
Pour s'approcher au plus près du fonctionnement des émotions et de l'esprit, les équipes de Pixar ont recueilli les témoignages de plusieurs experts en psychologie humaine afin d'apporter autant d'authenticité que possible au film.
Pete Docter a notamment déclaré qu'en réalisant Vice Versa, il s'est aperçu que les personnes lui étant les plus proches sont celles avec lesquelles il partage les plus grands moments de joie mais aussi de colère. Il souhaitait ainsi démontrer toute la profondeur et la complexité de ces deux émotions qui, bien que très opposées, servent de lien entre les gens.
Vice Versa est le premier film Pixar qui met officiellement en scène San Francisco, où sont basés les studios. La ville est particulièrement mise à l’honneur cette année, puisque le nouveau long métrage des studios Disney, Les Nouveaux Héros, se passe à San Fransokyo, un mélange fictif entre la métropole californienne et la capitale japonaise.
Le globe terrestre que l’on peut apercevoir dans la salle de classe de Riley est le même que celui qui se trouve sur le bureau d’Andy dans la trilogie Toy Story.
Les spectateurs les plus attentifs pourront observer, sur le t-shirt d’un garçon de la classe de Riley, une forme qui rappelle celle d’Arlo, le héros du prochain long métrage Pixar. On pouvait également voir le dinosaure sous forme de jouet dans une chambre d’enfant de Monstres Academy, puisqu’il était initialement censé sortir juste après.
Chacune des 5 émotions qui peuplent l’esprit de Riley est inspirée d’une forme bien particulière qui les caractérise, selon Pete Docter : Joie ressemble à une étoile, Tristesse à une larme, Peur à un nerf à vif, Colère à une brique et Dégoût à un brocoli…
Les souvenirs stockés dans l’esprit de Riley reprennent des plans que l’on a pu voir dans la scène introductive de Là-haut, celle qui retrace la vie de couple de Carl et Ellie Fredricksen.
En arrivant à San Francisco avec ses parents, la petite Riley passe en voiture devant de nombreux endroits bien connus de la ville. Mais c’est aux lignes électriques qu’il vous faut faire attention si vous regardez le film pour la première fois. Sur l’une d’elles sont en effet perchés des oiseaux bien connus des fans de Pixar : ceux que l’on pouvait voir dans le célèbre court métrage Drôles d’oiseaux sur une ligne à haute tension, réalisé par Ralph Eggleston (le chef décorateur de Vice Versa) en 2000.
Certaines des voitures que l’on peut voir en arrière-plan dans San Francisco arborent des autocollants de pare-chocs Cars.
Le terrain de hockey sur lequel joue Riley avec son équipe n’est pas situé n’importe où. En effet, il se trouve à l’emplacement exact du Walt Disney Family Museum à San Francisco.
Comme c’est de coutume aux studios Pixar, un nombre faramineux d’études et de dessins préparatoires ont été réalisés avant d’aboutir au résultat final. Pete Docter avance : "Les artistes Pixar nous ont remis des milliers de dessins qui représentaient des centaines de possibilités pour le monde intérieur de Riley, mais notre décision finale s’est basée sur notre ressenti plutôt que sur le caractère scientifique des propositions. Nous avons opté pour ce qui nous semblait juste et sincère."
L'un des plus grands enjeux pour les équipes d'animation aura été de créer visuellement des émotions. Le réalisateur a avoué que les studios ont dû redoubler d'imagination car, cette fois, ils ne disposaient d'aucune référence : "L’apparence des Émotions devait rappeler au public qu’elles sont la personnification de sentiments. Ce ne sont pas des personnes, ce sont des Émotions. Elles sont constituées d’énergie, ou pour être plus précis de milliers de particules qui ressemblent à de l’énergie. Nous voulions capter l’essence même des émotions - leur forme, leur couleur - ainsi que leur personnalité."
Pour cela, Pete Docter s'est entouré d'une solide équipe d'animateurs dont Tony Fucile qui a notamment travaillé sur l'animation de certaines productions très importantes du studio Disney comme Le Roi Lion ou Aladdin. L'objectif était de donner à ces émotions un aspect très "cartoonesque".
L'autre enjeu très important était d'ordre scénaristique puisque les auteurs devaient faire cohabiter deux univers différents au sein d'un même film, entre ce qui se passe dans le monde de Riley et ce qui se passe dans sa tête : "C’était comme faire deux films en même temps. Le moindre changement dans le monde réel affecte la totalité du monde de l’esprit, et vice-versa", confie le chef décorateur Ralph Eggleston.
Pour Pete Docter, il était important de situer l'univers et le décor d'une partie du film dans l'esprit d'une enfant en non pas dans son cerveau : "Nous ne voulions pas voir de vaisseaux sanguins ou de dendrites. L’esprit est quelque chose de métaphorique. Nous avons donc imaginé le mécanisme de la pensée, des souvenirs et des sentiments."
D'un point de vue purement visuel, les deux univers du film, à savoir l'intérieur et l'extérieur de l'esprit humain, ont été traités avec un style très différent. Un travail réalisé notamment par la directrice de la photographie en charge de l'éclairage, Kim White : "Il a fallu trouver le moyen de différencier visuellement ces deux univers pour aider le public à se repérer. Pour le monde réel, nous avons opté pour un (...) faible niveau de saturation et de contraste, tandis qu’à l’intérieur de l’esprit tout est plus intense, plus théâtral, il y a des couleurs vives, saturées, et beaucoup de contrastes. Cela permet de savoir immédiatement dans quel univers on se trouve, car le film passe sans arrêt de l’un à l’autre."
L'un des principaux décors de Vice Versa se trouve être le Quartier Général, une sorte de salle de contrôle des émotions de Riley. Selon Ralph Eggleston, la forme de ce lieu a été inspirée par celle de : "l’hypothalamus, qui est théoriquement le centre cognitif de l’esprit."
Au coeur du Quartier Général se trouvent des étagères qui contiennent les souvenirs les plus récents de Riley. Ces derniers sont enfermés dans de petites sphères, chacun d'entre eux ayant une couleur associée à celle de l'émotion liée au souvenir en question. Le chef décorateur Ralph Eggleston explique qu'à l'origine, il avait imaginé : "des gouttelettes de rosée. Je m’étais représenté la Mémoire à long terme comme un enchevêtrement de toiles d’araignées auquel s’accrocheraient les souvenirs sous la forme de fines gouttes d’eau. Et puis elles se sont progressivement transformées en sphères - comme des vésicules synaptiques. Nous avons ensuite inséré des images dans chacune d’entre elles pour représenter un souvenir, comme par exemple une journée à la patinoire avec Papa et Maman."
Concernant la mémoire à long terme, cette dernière est représentée comme un gigantesque entrepôt de stockage. Le producteur John Lasseter déclare : "Pendant la journée, tous nos souvenirs s’accumulent dans la mémoire à court terme, mais la nuit, pendant qu’on dort, cette dernière est vidée et seuls les souvenirs associés à une émotion sont conservés. Tout le reste est envoyé au Dépôt des Souvenirs. C’est ce que nous ont expliqué les scientifiques avec lesquels nous avons collaboré pour le film."
Afin d'animer cette immense structure, l'équipe artistique a imaginé cette dernière comme une usine de fabrication de bonbons...
En plus de représenter les souvenirs et les émotions, Pete Docter tenait à montrer un lieu où les rêves et les cauchemars de Riley seraient créés. Cet endroit a été conçu comme : "Un immense studio composé de différents décors et accessoires. La Production des rêves est capable de produire tout ce qui peut sortir de l’imagination. Rien n’est trop excentrique. C’est un peu un mélange entre « Saturday Night Live » et la magie d’Hollywood."
Les pensées les plus folles et fantaisistes de Riley ont été animées comme un immense parc d'attraction appelé Le Pays de l'Imagination. D'ailleurs, à l'image des plus grands parcs à thèmes, où certaines attractions connaissent un succès inépuisable pour tous les âges et où d'autres sont délaissées par des enfants ayant passé un certain âge, dans l'esprit de Riley, les rêves de princesse finissent par disparaître quand elle devient adolescente pour mieux laisser la place au Générateur de petits copains. Pete Docter explique : "Dès le départ, notre but était de montrer que Riley grandit au cours du film. Lorsqu’elle délaisse certains rêves, des sections du Pays de l’Imagination disparaissent."
L'esthétique du subconscient de Riley, où sont enfermées ses plus grandes peurs, a été influencée par les ambiances visuelles dans lesquelles baignent la plupart des films d'horreur.
La zone de l'esprit la plus complexe à imaginer a sans doute été la pensée abstraite, c'est à dire le lieu où les idées, les émotions et même les amis imaginaires du personnage prennent forme. Pour Pete Docter, il s'agit d'une zone "relativement récente dans l’esprit de Riley car la pensée abstraite se développe vers l’âge de 10 ans seulement."
Cette notion a été intégrée au film afin de montrer à quel point la jeune fille est en train de devenir une adolescente et commence à regarder au-delà de ce qu'elle voit avec ses yeux.
C'est en visitant un musée ferroviaire et en consultant John Lasseter, un grand passionné de l'histoire des trains, que l'équipe d'animation a pu créer le Train de la Pensée.
L'invention des Îles de la Personnalité a demandé beaucoup d'efforts en termes d'imagination et de travail pour les animateurs : "Ces îles sont la manifestation physique de la personnalité de Riley, ce que Joie essaye de protéger tout au long du film. Notre mémoire centrale rassemble les moments dont on se souviendra jusqu’à notre mort, ceux qui façonnent notre personnalité", commente Pete Docter.
Au début du film, avant de déménager à San Francisco, Riley vit dans le Minnesota, un lieu qui n'est pas inconnu du metteur en scène qui y a passé toute son enfance : "Aujourd’hui encore, lorsque j’y retourne, je suis surpris de pouvoir voir l’horizon, il n’y a ni montagnes, ni immeubles. Et en même temps, j’ai le sentiment de me trouver sous un dôme - je me sens protégé et en sécurité."
En arrivant à San Francisco, c'est un univers inconnu qui s'ouvre devant Riley, ce qui lui provoque un bouillonnement émotionnel. Le directeur artistique Bert Berry explique que lui et toute l'équipe avaient choisi de situer l'histoire dans cette ville car il s'agissait d'un endroit très différent de celui où la fillette a grandi : "C’est une ville un peu sale et délabrée. On ne voulait pas qu’elle ait l’air trop décrépite, mais on tenait à ce qu’on sente le poids du passé et à refléter l’atmosphère un peu angoissante d’une grande ville."
Afin de recréer la ville à travers l'animation, le chef décorateur Ralph Eggleston s'est notamment inspiré des dessins des 101 Dalmatiens : "Ce film nous a servi d’inspiration pour mettre en valeur simplement certains éléments de la ville, comme les fenêtres murées, les graffitis et les peintures délavées soulignées par un éclairage un peu flou, comme à travers un brouillard."
L'un des consultants du film, le Docteur Dacher Keltner, professeur de psychologie à l'Université de Californie, déclare : "Le film, tout comme de nombreuses études scientifiques portant sur les émotions, nous enseigne l’importance de l’acceptation. Nos émotions fluctuent en permanence. Notre esprit peut être rempli de peur pendant une ou deux secondes avant de passer à la colère. Le film exprime bien cette lutte de contrôle que les scientifiques ont mise au jour. Mais l’une des leçons essentielles, c’est qu’il faut accepter toutes ses émotions. Nous devons prendre conscience que cela fait partie du fonctionnement quotidien normal de l’esprit."
Charlotte Le Bon, Pierre Niney, Mélanie Laurent, Gilles Lellouche et Marilou Berry prêtent leur voix aux émotions dans la version française. Mais si vous tendez bien l'oreille lors de la scène de cauchemar de Riley, vous reconnaîtrez les voix de Michel & Michel de l'émission d'AlloCiné Faux Raccord. Les deux acolytes doublent la pizza aux brocolis et la souris morte.
Le film a été présenté hors-compétition lors du Festival de Cannes 2015.