Pour dépeindre le changement qui s’opère en Marta, en pleine adolescence, Alice Rohrwacher a vraiment cherché à mettre en scène un environnement miroir. La ville de Reggio et la Calabre donnent ainsi le sentiment d’une ébauche, renvoyant à la mutation, au bouleversement que traverse la jeune fille.
Corpo celeste a été nominé dans pas moins de 17 festivals, parmi lesquels on compte la Quinzaine des réalisateurs et le Festival International du Film de Londres !
Dans le film, le prêtre Mario organise une confirmation très théâtrale à l’aide d’un "crucifix figuratif". S’inspirant de faits réels, la réalisatrice souligne ainsi la séparation entre deux formes de catholicisme. D’un côté les modernes sans cesse à la recherche d’une pratique "dans le vent", de l’autre les traditionnels qui ne permettent pas de heurts par rapport aux usages coutumiers.
Avec Corpo celeste, Alice Rohrwacher montre à quel point les élans de modernisme dans le développement de l’urbanisme de Reggio Calabria rendent l’atmosphère des lieux glaciale et hostile. Constructions inachevées, centres commerciaux, paysage dissolu, etc. C’est un peu comme une jeune fille déchirée, déjà désabusée par le monde qui s’offre à elle avant même d'apprendre à le connaître.
Corpo celeste est le premier long-métrage d'Alice Rohrwacher, 27 ans, diplômée en littérature et philosophie. Avant ce film, elle avait participé au long-métrage collectif Checosamanca.
Corpo celeste a été présenté au Festival de Cannes 2011 à la Quinzaine des Réalisateurs. D'après Marzena Moskal, membre du comité de sélection, ce mélange entre fiction et documentaire met en scène "avec délicatesse et sensibilité, la fragilité et les contradictions d'une jeune adolescente."
A ce propos, la réalisatrice explique ce qui lui plaît dans chaque genre emprunté pour composer Corpo celeste : "C'est complètement fictif, c'est une mise en scène. Mais on a cherché à être dans les choses, face à face, corps à corps, ce qui vient vraiment de l'expérience du documentaire. Par contre, la fiction permet d'être plus précis."
La réalisatrice Alice Rohrwacher explique que l'histoire de Corpo celeste est inscrite dans le phénomène contemporain de l'"émigration de retour", correspondant au fait que, face à la crise ayant affecté les industries du nord de l'Italie, beaucoup de travailleurs sont revenus à leur terre natale, dans le sud du pays. Même si la situation économique dans la région sud n'est pas plus favorable, ces émigrés peuvent tout de même avoir le soutien de leurs familles et amis.
En faisant ses recherches pour Corpo celeste, Alice Rohrwacher s'est retrouvée à Reggio Calabria en pleine période électorale. Elle a fait la rencontre d'un prêtre "sans vocation", un important propriétaire de restaurants et de maisons de retraite qui avait du mal à combiner ses fonctions d'entrepreneur et de religieux. Cet homme a inspiré le prêtre du film, notamment pour la scène dans laquelle l'homme défend un certain candidat et recueille des signatures d'intention de vote.
La réalisatrice avoue ne pas avoir été élevée dans une famille catholique. Pour elle, la première partie de son projet cinématographique consistait en une longue recherche, entremêlée de rencontres avec des prêtres, afin de mieux comprendre les traditions et les valeurs catholiques.
Alice Rohrwacher ne cache pas l'opinion qu'elle s'est faite après ses recherches : "J'ai une impression négative pas seulement de l'Eglise, mais aussi de la possibilité de grandir, de la violence qui existe sur les enfants, pour devenir hommes et femmes. Vraiment, il n'y a plus d'innocence, il est très dur d'arriver à l'adolescence. C'est un monde où il faut toujours montrer et démontrer, mais pas être", confie-t-elle. Cela dit, elle affirme que son film ne constitue pas pour autant une critique de l'Eglise, mais une critique de la société.
Alice Rohrwacher est la sœur de la célèbre actrice italienne Alba Rohrwacher, que l'on a pu voir récemment dans Caos Calmo (2008), Amore (2009) et La Solitude des nombres premiers (2010).