Capitaine Phillips est l'adaptation du livre "A Captain's Duty : Somali Pirates, Navy SEALs, and Dangerous Days at Sea" écrit par le Capitaine Richard Phillips. Un autre film sur ce même thème est sorti en 2013 : il s'agit de Hijacking.
La prise d'otages du capitaine et son équipage à bord du navire Maersk Alabama a été organisée par quatre pirates somaliens entre le 8 et le 12 avril 2009. L'héroïsme dont le capitaine a fait preuve pendant ces quelques jours a permis de sauver la vie de son personnel de navigation. Trois des quatre pirates, âgés de 17 à 19 ans à l’époque, ont été tués lors du sauvetage et le dernier réside actuellement en prison, pour une peine de plus de 33 ans.
Avec Capitaine Phillips, Paul Greengrass évoque le conflit qui existe entre les riches et les pauvres : "Depuis une dizaine d’années, il y a eu d’excellents films traitant de la sécurité intérieure et du terrorisme (…) La confrontation entre Phillips, qui appartient au mouvement de l’économie globale, et les pirates qui en sont exclus, m’a semblé être un sujet nouveau et tourné vers l’avenir. La confrontation entre Phillips et Muse évoque aussi le poids de forces plus puissantes qui influent sur le cours du monde."
Pour Paul Greengrass, le film devait dresser un portrait complet du monde d’où viennent les pirates, ce qui était impossible à faire si la trame suivait la perspective du livre de Phillips qui a logiquement été écrit de son point de vue. Le réalisateur et le scénariste Billy Ray ont, dès le départ, voulu élargir le champ de cette histoire. Michael Bronner, coproducteur et collaborateur de longue date de Greengrass, a participé au développement de la trame en étudiant la piraterie au large des côtes somaliennes et les nécessités économiques qui en sont à l’origine. Il en est venu à cette conclusion : "La Somalie a été décimée par la guerre civile depuis la chute du régime dictatorial en 1991. Dans le même temps, elle a été frappée par l’afflux de pêche illégale (…) La piraterie somalienne a débuté en réaction contre la surpêche étrangère ; d’anciens pêcheurs se sont mis à détourner des bateaux et à réclamer des rançons pour subsister. Aujourd’hui, les pirates somaliens font partie d’une structure globale, financée non seulement par des criminels en Afrique mais aussi en Europe et en Amérique du Nord. Les jeunes hommes qui sont envoyés sur des bateaux pour attaquer les cargos – c’est le cas de Muse et de son équipe – ne sont que les derniers maillons d’une longue et complexe chaîne d’acteurs qui contrôlent ce ‘business’ très rentable."
Les trois quarts du tournage de Capitaine Phillips se sont déroulés en mer pendant 60 jours à bord de navires similaires au Maersk Alabama impliqué dans le drame d’avril 2009. Cette volonté de conformité a été pour la production un défi logistique, physique et psychologique que n’avaient jamais connu ni le réalisateur ni son équipe. Paul Greengrass déclare : "Viser l’authenticité implique une prise de risques pour le réalisateur, ses acteurs et son équipe technique. Se retrouver chaque jour en plein océan, tourner dans des espaces confinés ou sur l’eau, avec la houle, en étant tout le temps ballottés, était une torture. Miraculeusement, les acteurs et les techniciens ont fini par se mettre dans la peau d’un équipage, travaillant tous de concert."
Le Maersk Alabama, le navire impliqué dans la prise d’otage de 2009, n’a pu être réutilisé pour le tournage. L’équipe a donc dû contacter la compagnie Maersk qui s’est chargée de dénicher un bateau similaire. La production de Capitaine Phillips s’est alors déplacée à Malte pour profiter d’un porte-conteneurs relativement peu utilisé en Méditerranée. Le producteur commente : "Ce bateau, le Maersk Alexander, ressemblait trait pour trait à l’Alabama qui avait été détourné. Un vrai coup de chance !"
Ne connaissant rien au monde de la navigation maritime, la production a obtenu que les 22 marins de la marine marchande affectés à l’Alexander continuent de faire fonctionner le bateau durant les deux mois et demi de tournage. Pour Paul Greengrass et Tom Hanks, le capitaine de l’Alexander a été d’un secours inespéré pour comprendre la mécanique et les questions humaines posées par les manœuvres quotidiennes. Le réalisateur affirme : "Être à bord d’un vrai navire et côtoyer son équipage a été crucial. On pouvait leur poser toutes les questions nécessaires : que feraient-ils, que diraient-ils, où se rendraient-ils et avec quel équipement, au cas où il se produirait tel ou tel événement."
Daniel Franey Malone, coordinateur maritime, détaille certaines difficultés de tournage : "Rien que manœuvrer un porte-conteneurs de 152 mètres était une contrainte énorme. Il ne s’agit pas d’un bateau de plaisance. Ce navire ne pouvait aller qu’à certains endroits et nous avons eu recours à un pilote portuaire ainsi qu’à un remorqueur pour le déplacer tous les jours. Évidemment, ce bateau a été construit pour accueillir des conteneurs, et non une équipe de tournage. Les lieux sont claustrophobiques. Les couloirs sont étroits et les escaliers encore davantage. Nous sommes habitués à avoir plus d’espace. Il a fallu alléger le matériel et les équipes devaient se montrer prudentes avec ce qu’elles amenaient à bord. Sans parler du va-et-vient constant entre les différents niveaux et le pont : ce n’était pas rien de monter et descendre les escaliers avec tout le matériel."
Avec Capitaine Phillips, Paul Greengrass signe ses retrouvailles avec deux habitués de ses films, l’acteur Corey Johnson et le producteur Michael Bronner. Il a dirigé le premier et s’est associé au second pour Vol 93 (2005). Il a retrouvé Johnson deux ans plus tard sur La Vengeance dans la Peau puis Bronner en 2010 sur Green Zone. Greengrass retrouve également l’un de ses plus fidèles collaborateurs, à savoir le chef monteur Christopher Rouse, qui, en plus de l’avoir côtoyé sur Vol 93 et Green Zone, a participé au montage de la saga Jason Bourne.
Paul Greengrass a voulu se rapprocher au plus près de la vérité et a adopté la caméra à l’épaule pour un côté brut et authentique, prenant ainsi au dépourvu les acteurs habitués aux plateaux où ils sont guidés dans leurs gestes ou leurs répliques. Tom Hanks raconte à quel point il a été surpris par la "méthode Greengrass" : "Avant le tournage, Paul a essayé de m’expliquer à quoi ressemblerait le style du film – caméra à l’épaule, pas de travelling ni de marquage au sol – et m’a demandé si je me sentirais à l’aise. Je lui ai répondu que oui... tout en espérant sincèrement que lors du tournage, je verrais apparaître une dolly pour les travellings et qu’on me dirait où prendre mes marques au sol et vis-à-vis de l’éclairage. Je m’étais trompé. Nous n’avons même pas mis en place les scènes, nous les avons ‘trouvées’. On se réunissait tous les matins pour discuter de la scène durant 1 h 30, 2 heures ou plus, puis on la tournait dans son intégralité – qu’elle dure 8 ou 12 minutes, peu importait – au lieu de la fragmenter en plans."
Dans une volonté d’hyperréalisme, le réalisateur a imposé aux Américano-Somaliens, jouant les pirates, d’éviter tout contact avec ceux qui incarnaient le personnel de bord du Maersk Alabama dans le but de créer une véritable crainte de la part du Capitaine et de son équipage. Tom Hanks revient sur cette "méthode Greengrass" : "C’était une brillante idée. Nous n’avions partagé ni lectures ni dîner donc ils n’étaient pour nous que des hommes de l’ombre. Quand ils ont pris le pont d’assaut, l’effet était sidérant d’authenticité. Nous en avions les cheveux qui se dressaient sur la nuque."
La collaboration entre Paul Greengrass et son chef monteur Christopher Rouse a débuté avant le début du tournage de Capitaine Phillips. C’est en effet à l’époque où le réalisateur travaillait avec le scénariste Billy Ray pour élaborer le scénario du film qu’ils ont commencé à réfléchir au montage. Rouse déclare : "Paul et moi avons passé plus de temps ensemble pendant le développement du scénario et la préparation de ce film que sur n’importe quel autre projet. Nous organisions des sessions de travail régulières sur l’histoire à mesure de l’évolution du scénario ; nous avons passé des mois à discuter des moindres aspects de chacune des scènes. Pour les scènes d’action, nous avons créé des storyboards et des animatiques, afin que Paul puisse prévisualiser les séquences avant le tournage."
Le travail du producteur Michael de Luca sur Captain Phillips lui a valu de remporter le prix du Meilleur Producteur lors du Festival du film d'Hollywood 2013. Le long métrage a également concouru au Prix du Meilleur Film au Festival de New York.
Cela faisait depuis 2006 et Vol 93 que Paul Greengrass n'avait pas fait un film avec quelqu'un d'autre en tête d'affiche que Matt Damon, héros de la saga Bourne et de Green Zone.