Un de ces petits films personnels, comme l'Amérique Latine sait nous en envoyer de temps en temps -ici, en l'occurence, le Chili (!), avec deux jeunes réalisateurs, Sebastian Silva et Pedro Peirano.
La vieillesse -et cette maladie qui va de A à Z et se termine comme les abysses infinies dans lesquels sombre, inévitablement, celui qui en est atteint. Dans le vieux couple qui nous est présenté ici, c'est la femme, Isadora (Belgica Castro), qui en est aux premiers stades -encore suffisamment lucide pour tenir des conversations tout à fait sensées, et puis, il y a tout à coup une absence, on était en train de savonner quelques pièces de lingerie, et puis on s'en va, laissant le robinet ouvert; la terreur quand la conscience revient, devant la progression de la maladie. Malgré tout, le couple qu'elle forme avec Enrique (Alejandro Sieveking) est paisible. Lui travaille encore, sur un PC hors d'âge, il doit écrire des articles sur l'art, ou quelque chose comme cela. Ils vivent dans un grand appartement au 8eme étage, encombré de ces collections d'objets qu'on ramène de voyage, des chats, dont il y a des statuettes partout, des poules. Et deux vieux chats, bien vivants ceux là, arthritiques et obèses, le matou est plus gros qu'un chat norvégien, la matousette ressemble à ma Sieglinde avec ses bourrelets de graisse qui balottent sous le ventre quand elle court (enfin, quand elle essaye....)
Ce petit bonheur tranquille est troublé par le retour de voyage de Rosario (Claudia Celedon), fille qu'Isadora a eu d'un premier mariage (elle a un fils, aussi), espèce de grand engin hystérique et cocaïnomane, flanquée de sa copine Hugo /Beatriz (Catalina Saavedra), goudou encore plus caricatural (je me permets, car Beatriz se définit elle même ainsi....). Pour Isadora la visite de sa fille est un cauchemar auquel elle ne peut échapper. Déjà, Rosario est allergique aux chats, il faut les enfermer dès qu'elle arrive. Allergie qui en dit long..... Rosario n'a jamais réussi à travailler, elle a monté des affaires foireuses pour lesquelles elle tapait sa mère, qui se sont toutes terminées en faillite, là il s'agit de savonettes ramenées du Machu Pichu et censées soigner tous les maux.... Et elle exige carrément de sa mère qu'elle vende cet appartement, trop grand, au 8eme étage avec un ascenseur qui bat de l'aile, toujours en panne, au profit d'un petit rez-de-jardin où les chats seraient si bien... Et elle se met en rage, et elle insulte Enrique, et elle menace sa mère, son compagnon /compagne en est même gênée.
De ce Festen en petit comité, on comprend qu'Isadora n'a jamais été maternelle. Rosario est arrivée alors qu'âgée, elle n'envisageait plus d'avoir d'enfant. Son instinct maternel, elle le réserve à son fils aîné, qui lui a tout fait bien...Et du coup, on se dit que tout n'est pas si simple, qui si Rosario est ce qu'elle est, c'est aussi qu'elle trimballe des blessures d'enfant non cicatrisées.
Au terme de cette scène, Isadora s'enfuit, elle erre dans un parc vallonné qui fait face à l'immeuble et où elle aimait se promener. On tourne une pub, et elle est fascinée par ces jeunes acteurs ridiculement déguisés en guêpes.... La famille la retrouvera pateaugeant dans une fontaine, comme Anita Ekberg, en carrément moins sexy.
Bon, ce film ne restera pas dans les annales du cinéma. Il souffre de l'exces du personnage de Rosario, trop caricatural; mais il a pour lui la formidable Belgica Castro; il a pour lui d'oser parler de la vieillesse, et de son inévitable naufrage. A voir donc.