Déjà en 1966, Gainsbourg se demandait dans une chanson, qui est in, qui est out ?. Il ne se doutait alors pas à quel point celle-ci semblerait si prophétique quelques décennies plus tard. D'ailleurs, aujourd'hui encore plus qu'hier, le chanteur a le vent en poupe. Après Gainsbourg - (vie héroïque) de Joann Sfar, c'est au tour de Pierre-Henry Salfati avec Je suis venu vous dire... de s'attaquer à un film sur l'artiste.
Enfant, le metteur en scène Pierre-Henry Salfati a volé tous les disques de Serge Gainsbourg. Se remémorant sa culpabilité lorsqu'il sortait des boutiques, il a eu envie de faire quelque chose en échange : "Pas comme une histoire de dette à payer, mais juste une sorte de merci Serge", explique-t-il. C'est donc à partir de ce souvenir qu'il a commencé à travailler sur le documentaire Je suis venu vous dire...
Pas moins de 26 semaines de travail ont été nécessaires au montage du film Je suis venu vous dire.... Quant à la production, celle-ci s'est étalée sur plus de quatre ans. En cause : l'acquisition des droits sur le répertoire de Serge Gainsbourg ainsi que sur les musiques auxquelles il était attaché. La productrice Miriana Bojic Walter confie : "Je me suis lancée dans cette aventure avec beaucoup d'enthousiasme. Si j'avais su combien ça allait être dur, je pense que je ne l'aurais pas fait. Maintenant, je sais que nous avons fait un film que personne d'autre ne ferait vu la complexité de la production, et j’en suis très fière. Le fait d'avoir choisi l'angle "Gainsbourg se racontant lui-même" a rendu le travail extrêmement compliqué."
Pas moins de 110 titres de Gainsbourg sont présents dans Je suis venu vous dire...
Dans Je suis venu vous dire..., Serge Gainsbourg aborde sa passion pour la musique et évoque aussi un de ses rêves : accompagner de sa voix les mélodies du pianiste jazz Art Tatum et celles des compositeurs classiques Gustav Mahler, Serge Rachmaninov, Frédéric Chopin ou encore Claude Debussy. Il se trouve que le réalisateur Pierre-Henry Salfati est parvenu à recréer dans Je suis venu vous dire... un duo inédit entre Gainsbourg et le jazzman Art Tatum !
Je suis venu vous dire... met en scène une dimension rarement dévoilée du compositeur de Melody Nelson. Le réalisateur a notamment intégré une scène de vie symbolique de l'artiste où on l'aperçoit contemplant le San Sebastian peint par Andrea Mantegna au Louvre. Cette séquence résume à elle seule l'esprit du film : en extase devant le génie du peintre, le musicien se sent visiblement humble, inexorablement petit. Cet aspect là du génie, il sait qu'il ne pourra jamais y prétendre...
Dans Je suis venu vous dire..., on aperçoit par moments des extraits du chef d’œuvre russe La Dame au petit chien, adapté d'une nouvelle d'Anton Tchekhov. Ce choix n'est pas anodin lorsqu'on sait que l'écrivain a, tout comme Gainsbourg, été hanté très jeune par les femmes. De son côté, l'homme à tête de chou suivait enfant son père qui jouait du piano dans les palaces. De là lui serait venu le goût pour les jolies femmes, les belles voitures et les toutous !
Peu de temps avant sa mort, Serge Gainsbourg laissait entendre qu'il rédigeait un journal intime. A l'origine prévu pour être édité chez Gallimard, ledit journal n'est jamais paru. En regroupant toutes les histoires que le chanteur compositeur aimait raconter à propos de lui, le metteur en scène Pierre-Henry Salfati a cherché à créer le journal tel qu'il l'imagine : "Je l’ai envisagé comme une sorte de carnet de croquis, le carnet d’un peintre, l’aquarelle d’un paysage, l’esquisse d’un portrait, quelques lignes griffonnées d’un début de poème, une fleur séchée entre deux pages vierges (...), où des impressions sans chronologies apparentes se succèdent les unes aux autres. L’ensemble construisant ce portrait du dedans", confie le cinéaste.
Afin d'éviter de faire de Je suis venu vous dire... le énième film sur la vie de Gainsbourg, Pierre-Henry Salfati a parcouru l'ensemble des films et des livres abordant de près ou de loin le musicien. Au cours de sa phase de recherche, il est notamment tombé sur quelques minutes d'un film réalisé dans le cadre de "Lettre ouverte à un cinéaste" et proposé par le documentariste Claude Ventura dans l'émission Cinéma, Cinéma. Dans ce dernier, le réalisateur a filmé les lieux du 9ème arrondissement qui ont marqué son enfance, en commentant le tout à la première personne. C'est à ce moment que Pierre-Henry Salfati a eu l'idée de tourner son documentaire en reprenant le même procédé.