Ce Romain né en 1949 fait ses débuts sur les planches en tant que metteur en scène et comédien. C'est la vision de Mean Streets de Martin Scorsese qui le pousse à faire du cinéma. Scénariste, il écrit en 1987 Sembra morto... ma è solo svenuto, récompensé au festival de Venise, et Giovanni Senzapensieri, présenté à Cannes. Il continue à écrire jusqu'à sa rencontre avec Matteo Garrone dont il devient d'abord l'assistant réalisateur sur des films comme L' Etrange Monsieur Peppino ou Premier amour. En 2007, il cosigne le scénario du dernier long-métrage de Garrone, Gomorra, récompensé par le Grand Prix du jury à Cannes. Ce n'est qu'en 2008 que Gianni Di Gregorio se lance enfin dans la réalisation avec Le Déjeuner du 15 août. Succès critique et public, le film remporte trois prix à la Mostra de Venise, dont celui du meilleur premier film. Gianni et les femmes est son deuxième long-métrage.
Gianni Di Gregorio a mis beaucoup de temps avant de se lancer dans la réalisation : "Je suis celui qui ne veut pas s’exposer, qui travaille en retrait, qui met des années à faire les choses, non par faiblesse, mais à cause d’une nature douce. Le travail de scénariste m’a permis de rester caché, et, parfois, de ne pas assumer les responsabilités en mon nom propre."
Le réalisateur revient sur sa relation houleuse avec sa mère : "Je suis fils unique. Quand mon père est mort, j’avais 40 ans, et ma mère a commencé à me tyranniser. Elle m’appelait tous les soirs en me disant qu’elle se sentait mal, et je devais courir chez elle. (...) Je supportais tout, je ne sais pas pourquoi." Pendant les quinze dernières années de la vie de sa mère, Gianni Di Gregorio, totalement à son service, était ralenti dans son travail. Toutefois, le cinéaste a su tirer parti de cette relation : "au fond, tout ce que ma mère m’a pris pendant ces années terribles, elle me l’a rendu en me donnant les éléments pour réaliser Le Déjeuner du 15 août, qui a changé ma vie. Pendant le tournage, j’avais peur d’enfreindre un tabou, je me trouvais odieux de la montrer de façon aussi déplaisante, je craignais d’être puni. Mais, au risque de passer pour un fou, j’ai le sentiment d’avoir eu son approbation."
Gianni Di Gregorio a eu l'idée de son deuxième film en observant son entourage, plus particulièrement les hommes et leur volonté de séduire à tout prix : "Avec l’âge, j’ai vu mes amis changer de comportement. (...) Aucun homme ne se résigne à ne plus être regardé par les femmes. J’ai voulu raconter ce moment précis où tu te rends compte que tu es devenu transparent. C’est à ce moment-là que tu perds cette illusion, cette petite tension érotique qui t’accompagne depuis toujours. Les hommes sont lents à comprendre, ils refusent le passage du temps."
Alors que Gianni et les femmes met en scène un homme qui n'arrive plus à séduire, l'Italie est éclaboussée par le scandale du "Rubygate". Silvio Berlusconi, président du Conseil des ministres, est en effet accusé d'avoir payé entre février et mai 2010 une jeune fille mineure (se faisant appeler Ruby Rubacuori) pour des relations sexuelles et d'avoir organiser des soirées dans sa propriété privée impliquant des prostituées mineures. Une enquête pénale a été ouverte en janvier 2011. A ce propos, le réalisateur déclare : "Je n’ai jamais pensé à lui [Silvio Berlusconi] en écrivant le film, mais tant mieux si l’on voit qu’en Italie il y a une autre façon de penser aux femmes ! Des journalistes ont écrit que ce film montrait une « autre Italie ». Je suis d’accord, et cela me fait plaisir."
Pour Gianni et ses femmes, Gianni Di Gregorio, comme pour son précédent film, est à la fois devant et derrière la caméra. Il y incarne le même personnage, Gianni. Et ce n'est pas un hasard si lui et son rôle portent le même nom : "J’ai décidé de jouer à nouveau dans mon film à cause de la chaleur, de la sympathie avec lesquelles le personnage principal du Le Déjeuner du 15 août avait été accueilli. Gianni est devenu une sorte de masque, au travers duquel je m’exhibe : il est moi, un peu transfiguré. Il a ma nature timide, soumise. Je me considère comme un homme quelconque, normal, et j’espère rendre quelque chose d’universel."
Pour Gianni et ses femmes, Gianni Di Gregorio s'est entouré de personnes qu'il connaît bien, voire très bien, puisque sa fille joue même dans le film ! "Celle qui joue ma fille Teresa est ma propre fille. Au départ, elle hésitait un peu à l’idée de participer au film, mais je l’ai convaincue : depuis des années, elle a un fiancé qu’elle n’arrive pas à quitter, et les dialogues du film sont exactement ceux que nous échangeons chaque matin." Il retrouve par ailleurs Valeria De Franciscis, qui incarne encore une fois sa mère après Le Déjeuner du 15 août et qui n'est pas sans lui rappeler sa propre mère : "elle s’est montrée très semblable à ma propre mère : très gentille, mais très autoritaire..." Quant au personnage de sa femme, il avoue s'être fortement inspiré de son épouse : "Elisabetta Piccolomini, qui joue ma femme, me répète ce que me dit ma femme Susanna à la maison : « Gianni, fume moins, Gianni, bois moins... » Et elle me regarde avec le même air de pitié !"
Gianni Di Gregorio a tenu à ce que son film soit le plus vrai possible. Pour cela, il a engagé des acteurs professionnels et non professionnels, a favorisé l'improvisation sur le plateau et a conservé le prénom des acteurs. Si le réalisateur a pu prendre une telle liberté dans sa mise en scène, c'est aussi grâce à son chef-opérateur Gogo Bianchi : "Comme j’étais dans le cadre et que je ne pouvais pas tout contrôler, il a développé une sorte d’intuition : il déplaçait la caméra comme s’il savait déjà comment je me déplacerais. C’est comme si nous avions fait la mise en scène ensemble."
Si Gianni et les femmes est une comédie, le film traite toutefois de sujets sérieux. Pour Gianni Di Gregorio, le rire permet une grande liberté : "rire est un moyen d’affronter les choses. Ici aussi, je me libère d’une douleur qui vient peut-être de ma propre histoire. (...) L’ironie est devenue une telle partie de moi même, de mon expression, que quand j’écris avec d’autres, par exemple sur des sujets sociaux et profonds, il me vient toujours une blague, que les autres censurent immédiatement." Le réalisateur cite comme références Goldoni, Marivaux et Molière ainsi que la commedia dell'arte.
Gianni et les femmes a été présenté au 61e Festival de Berlin.