Ces critiques se veulent ouvertes au cinéma du monde entier, et au-delà des cinématographies asiatiques ou sud-américaines, elles se sont intéressées à des films islandais, bosniaques ou mongols. Par contre, et du fait de la rareté de la programmation de films d'Afrique noire, elles n'ont à leur actif qu'un film tchadien, et un film sud-africain. Voilà donc une bonne raison de s'intéresser à ce "Viva Riva", film tourné au Congo par un réalisateur congolais, même si une bonne part de la production vient de France et de Belgique ; il s'agit d'ailleurs du premier film tournée en République Démocratique du Congo depuis 1987 et "La Vie est belle", de Mweze Ngangura.
Comme Gavin Hood, le réalisateur de "Mon nom est Tsosti", Dio Tunda Wa Munga a choisi le genre du polar. Choix pertinent, car de tout temps le film noir a permis de raconter de nombreuses choses sur la société qui lui sert de toile de fond : il suffit de comparer les "Scarface" d'Howard Hawks et de Brian De Palma pour s'en convaincre. Je vais donc analyser ce "Viva Riva" sous deux angles, celui du polar et celui de la toile de fond.
Ce n'est pas un hasard si je cite le "Scarface" de De Palma, car Dio Tunda Wa Munga affirme avoir été très influencé par ce film, et cela se voit. On retrouve dans le scénario un paquet d'éléments constitutifs du polar : la femme fatale, le caïd de quartier qui tabasse sa femme et envoie ses gorilles contre ceux qui le narguent, le chef de bande impitoyable, des flics corrompus, de la violence, de la violence, et encore de la violence. Les méchants ont la vie dure (et des gilets pare-balles), et le héros encaisse coups de pieds, de poings et de feu ; bref, rien de bien original, si ce n'est que les méchants sont Angolais, que ce qu'on traffique, c'est de l'essence, et que le plus gros acheteur potentiel de cette essence est un prêtre qui part demander l'accord de l'évêque pour la transaction...
Car ce qui fait le réel intérêt du film, outre une vraie maîtrise de la mise en scène et une belle photographie, c'est tout ce qu'il nous apprend sur la société congolaise où tout tourne autour de l'argent ; un des personnages angolais dit d'ailleurs : "Dans votre pays, vous croyez que l'argent, c'est tout ; mais au bout, il tue toujours." On découvre le personnage de la commandante, militaire homosexuelle, celui de la femme d'un petit malfrat rangé des voitures qui lâche "c'est toujours à l'heure du repas que les gens se pointent", ou encore celui d'Anto, petit orphelin revendeur de portables. L'ambiance de Kinshasa est parfaitement rendue, avec ses trains bondés, ses coupures de courant, ses files d'attente à la pompe à essence, et la place de la nuit, ce qui donne le dialogue suivant : "Il aime la fête et les femmes." "- Comme tout le monde..."
Le personnage central, celui de Riva, promène sa nonchalance rieuse et finalement suicidaire dans le dédale de la nuit kinoise, symbolique d'une Afrique majestueuse et flambeuse. La scène de sa visite à ses parents, avec la remontée des vieux secrets de famille et de la culpabilité de la perte du frère est un nouvel emprunt au cinéma américain, et ne sert pas à grand chose, le mystère autour du passé de Riva étant beaucoup plus intéressant que ces explications psychologisantes. Au-delà de ce trop plein scénaristique, "Viva Riva" réussit à maintenir l'intérêt, grâce à un vrai sens du rythme ponctué par la musique et à la précision de la description d'un société toujours en mouvement.
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