Pour Carmen Maura qui joue en français.
Le scénario d'Escalade s'inspire librement d'une pièce russe intitulée Chère Elena Serguievna, écrite par Ludmilla Razoumovskaïa où quatre lycéens affrontent leur proviseur... Chère Elena Serguievna a déjà fait l'objet d'une adaptation cinématographie en 1988 par Eldar Riazanov.
Cela faisait presque 10 ans que Charlotte Silvera n'avait plus réalisé. Son dernier long métrage, Les Filles, personne s'en méfie, était sorti en 2002. La cinéaste s'intéressait déjà à la jeunesse au travers d'une mouflette de 8 ans qui rêve de devenir une vedette du grand écran. Encore avant, en 1997, Silvera mettait en scène une histoire d'amour entre une lycéenne et un immigré de l'Est dans C'est la tangente que je préfère.
Pour Charlotte Silvera, l'originalité de la pièce de Ludmilla Razoumovskaïa tient tout à la fois à sa modernité et à son refus de basculer dans la facilité: "Elle va également à l’encontre d’un jeunisme béat qui voudrait faire croire qu’en dehors des délinquants officiels, les jeunes d’aujourd’hui sont freinés par les adultes dans leur désir légitime d’exister. Ici, ce qui est en cause, c’est le manque de défiance des adultes par rapport aux jeunes, leur naïveté."
Au moment de l'écriture d'Escalade, Charlotte Silvera a voulu définir précisément l'enjeu premier du film. Il tient en un affrontement moral entre l'enseignante et ses élèves. Un bras de fer, en somme, entre deux pouvoirs, deux autorités, deux pôles : d'un côté, celui des jeunes prêts à tout y compris aux pires atrocités, et d'un autre côté, celui d'un adulte vertueux, idéaliste, défendant des valeurs sur lesquelles il restera inflexible.
Charlotte Silvera a souhaité tourner un film en lien avec la déconfiture que vit actuellement l'Éducation Nationale et les cas de violence toujours plus nombreux dans le milieu adolescent. La cinéaste veut aussi dénoncer les réformes visant au durcissement du système éducatif français dont, en première ligne, l'introduction d'un poste de police dans les établissements scolaires. Elle partage la désillusion que vivent les enseignants, qui "rêvent encore d’une école du Savoir, égalitaire et laïque, pour que la transmission des connaissances se réalise dans une harmonie propice à l’élévation des consciences…"
Charlotte Silvera refusait que son film participe à toute forme de stigmatisation sociale ou raciale. De ce fait, les 4 lycéens dans Escalade sont des Français de pure souche, issus de familles de la haute société, à mille lieues du cliché bien répandu des voyous ou des casseurs d'origine maghrébine ou africaine qui vivent en banlieue défavorisée.
La réalisatrice d'Escalade affirme que les lycéens qui apparaissent dans le film ne revendiquent nullement une quelconque liberté d'expression et d'action, ni des valeurs idéalistes à l'instar de celles revendiquées en mai 68. Ils n'expriment pas non plus un malaise face à la conjecture économique et le chômage qui leur est promis au sortir de leurs études. Ils ne défendent pas non plus leur individualité face à une société oppressante et régie par le marché du travail. Ils ne sont aucunement dans la révolte ni dans la contestation. Leur seul souhait est de renverser l'Autorité représentant par l'enseignante.
Charlotte Silvera explique que les personnages de lycéens dans Escalade sont le pur produit du système qui les domine et les aliène. Ils deviennent donc à l'image d'une société corrompue de l'intérieur par tant de vices: " Ils utilisent leur intelligence pour remettre en cause l’Autorité, une intelligence du Pire pour l’obtention d’un objet dérisoire, une clé. Ils sortent les armes dont ils testent jour après jour, au travers de leurs parents, des médias et des élites, qu’elles sont redoutablement efficaces dans bien des domaines de la société. Manipulations, menaces, corruptions et chantages…"
Carmen Maura, l'actrice principale d'Escalade, est espagnole. Elle a joué dans de nombreux films de Pedro Almodóvar dont La Loi du désir (1987) et Volver (2005), ainsi que dans ceux d'Álex de la Iglesia (dont Mes chers voisins, 2001). Elle a collaboré avec plusieurs cinéastes français dont Etienne Chatiliez (Le Bonheur est dans le pré, 1995), Jean-Pierre Mocky (Alliance cherche doigt, 1997), André Téchiné (Alice et Martin, 1998)... Elle est aussi apparue dans Tetro (2009) de Francis Ford Coppola.