Bruno Dumont a réalisé son premier long métrage en 1997, La Vie de Jésus, qui a remporté de nombreuses récompenses dont la Caméra d'or de Cannes et le Prix Jean Vigo.
Le titre du film tient son inspiration de Georges Bernanos et également d'Emile Zola, autant du surnaturel que de l'ordinaire.
Le cinéaste revendique un cinéma "de représentation" qui va au-delà du superficiel, avec de la "disproportion dans les actions et le jeu même des acteurs, à condition que ce déséquilibre ait un sens."
Hors Satan est une sorte de conte qui évoque explicitement le thème de la foi, ses pouvoirs incroyables (miracles) et son aspect souvent fanatique.
Avant d'écrire le scénario, Bruno Dumont a eu besoin de marcher longtemps sur l'endroit qu'il voulait montrer, et de se noyer dans une certaine nature afin de s'inspirer et de trouver de l'intensité dans les différentes scènes constituant le film.
Hors Satan a été présenté dans la section Un Certain Regard au Festival de Cannes 2011. S'il est reparti de la Croisette les mains vides, le réalisateur a cependant pu se consoler en recevant le Prix de l'Age d'Or, décerné par la Cinémathèque royale de Belgique aux longs-métrages remettant en question les valeurs établies.
Bruno Dumont voulait raconter l'histoire d'un jeune ermite lui permettant de tourner dans l'endroit où il vit depuis son enfance, sur la Côte d’Opale, dans le Pas-de-Calais, près de Boulogne-sur-Mer : "J’ai écrit le scénario à partir de ces paysages, de cette lumière, et de mon désir de me situer dans cet endroit", confie le réalisateur.
Comme source d'inspiration pour son long-métrage, et pour son cinéma en général, Bruno Dumont cite "les sensations", qu'il assimile à "la vie" : "Le cinéma est capable d'aller dans des contradictions que la pensée ne peux pas [explorer]. La pensée ne supporte pas la coïncidence du bien et du mal, par exemple. Le sensation peut faire les deux, elle peut combiner le désir de sainteté et le désir d'être un salaud. Donc au cinéma, on peut aller dans des zones de contradictions qui sont très humaines et très intéressantes."
L'inspiration de Bruno Dumont est flagrante lorsque l'on voit le film : la scène d'ouverture nous fait fortement penser à celle du film Ordet de Carl Theodor Dreyer, qui présente un illuminé errant et parcourant les landes sauvages. En effet, Carl Theodor Dreyer nous montre la foi d’un "fou", qui s’identifie au Christ, au sein d’une société danoise imprégnée de christianisme tandis que Bruno Dumont illustre la foi tout aussi intense d’un SDF du nord de la France, dans une société moderne déchristianisée.
Dans Hors Satan, les dialogues sont très restreints et la musique inexistante : aucun son n'a été réenregistré, ni modifié, ni ajouté, il est même possible d'entendre les rails de travelling et la mise au point de l’objectif !
Bruno Dumont retrouve une nouvelle fois devant sa caméra le comédien David Dewaele (Hadewijch en 2009 et Flandres en 2006).
Le réalisateur a rencontré l'actrice Alexandra Lematre par hasard dans un café de Bailleul. Il lui a proposé de faire des essais, et c'est, selon le metteur en scène, surtout sa pudeur et sa manière d’avoir du mal à partager ses sentiments qui l'a particulièrement touché.
Comme à son habitude, Bruno Dumont a été très directif et précis en fonction de ce que proposaient les acteurs : "L'acteur est la couleur, mais c’est moi qui choisis l’intensité de cette couleur", explique-t-il.
Le film raconte plus qu'une histoire du bien et du mal : "Je ne fais absolument pas un cinéma d’idées, je fais un cinéma de sensations, à partir des paysages, des présences physiques, des sons", nous dit-il.
Ce n'est que très tard qu'Hors Satan fut choisi comme titre définitif du long-métrage. En effet, le projet resta très longtemps intitulé "L'Empire".
Toujours en raison de cette primauté de la sensation sur la pensée, le réalisateur reconnaît revenir sur son script une fois les acteurs engagés : "Le scénario est encore un truc un peu pensé, un peu intellectuel, qu'il faut détruire pour être très proche de l'acteur, pour que l'acteur soit le personnage." Cette thèse est tout à fait cohérente avec le choix du cinéaste de diriger des acteurs non-professionnels, qui s'appuient donc plus sur leur intuition et leur ressenti que sur des techniques de jeu.
Interrogé sur sa fascination pour le bien et le mal, le cinéaste explique : "Nous devons être à l'équilibre des deux : du bien, du mal, de la morale, de tout cela. Le cinéma n'a pas à aller là. Le cinéma n'a pas besoin d'être civilisé. [...] Pour être civilisé [dans la vie], il faut avoir l'expérience de la barbarie au ciné." Aussi la violence cinématographique apparait-elle comme liée à la vie, presque comme éducative et cathartique.