Rio Sex Comedy : les secrets du tournage

Jonathan Nossiter s'est installé à Rio de Janeiro en 2005 avec son épouse, la réalisatrice brésilienne Paula Prandini. C'est d'ailleurs là que sont nés ses trois enfants. Il est donc membre d'une véritable petite famille brésilienne, ce qui ne semble pas le dépayser: "Rio me rappelle l’effervescence et la vitalité du New York des années 70. (...) je suis fasciné par les problèmes propres à cette culture et par ses contradictions à n’en plus finir. Mais en même temps, la dynamique très « Ouest américain » de ce pays aux airs de Nouveau Monde rendent ces problèmes universels. Tout est possible ici, ce qui ne signifie pas que tout est permis, comme le pensent les étrangers", confie-t-il.

Fils du journaliste Bernard Nossiter,Jonathan Nossiter, né à Washington en 1961, a dès l'enfance voyagé aux quatre coins du monde. Ainsi il grandit en France, en Angleterre, en Italie, en Grèce et en Inde. Avant de se pencher sur le cinéma, il suit des cours de peinture aux Beaux-Arts de Paris et à l'Art Institute de San Francisco, et se tourne ensuite essentiellement vers le théâtre, devenant assistant de mise en scène. Il fait ses premiers pas visibles au cinéma en étant l’assistant d’Adrian Lyne sur Liaison fatale (1988). Vient ensuite sa carrière de réalisateur et les documentaires qui l'ont rendu célèbre. Il bénéficie aujourd'hui de la double nationalité américaine et brésilienne.

Ayant fait un long détour par le documentaire, pendant lequel il se fait connaitre du public français avec son film Mondovino, Jonathan Nossiter revient, onze ans après Signs & Wonders, à la fiction. Mais il garde des traces de ses expériences sur des films comme Losing the Thread (2001) ou Making Mischief (2002) - sur la préparation de Signs & Wonders - puisque Rio Sex Comedy est un savant mélange de réel et d'écrit.

Dans le film, Charlotte Rampling joue le rôle de la chirurgien esthétique tentant de convaincre ses patients de ne pas se faire opérer. Un personnage qui "remplit un rôle fédérateur" conçu tout spécialement pour elle. En effet, le réalisateur avait déjà travaillé avec l'actrice franco-britannique en 2000 dans le film Signs & Wonders. Ayant envie de la retrouver, il lui écrit le personnage de...Charlotte, fil rouge de sa comédie: "Le personnage de Charlotte Rampling fait clairement le lien avec les autres. Elle est un repère pour tous les expatriés de Rio."

Habitué des festivals (Sunday a reçu le Grand Prix du festival de Sundance en 1997, Signs & Wonders était en compétition en 2000 au festival de Berlin et Mondovino au festival de Cannes en 2004), Jonathan Nossiter ne fait pas mentir sa réputation puisque Rio Sex Comedy a été présenté en avant-première au festival de Toronto en 2010.

On ne connait pas vraiment Fisher Stevens qui a assez peu tourné au cinéma, n'ayant eu que quelques seconds rôles dans des films comme Le Mystère von Bulow de Barbet Schroeder ou Anything else de Woody Allen. Son allure reconnaissable n'est pourtant sans doute pas inconnue de tous puisqu'il a joué dans des séries comme Friends ou Lost où il était, dans la saison 4, George Minkowski, le médecin du cargo Kahana, qui souffre de voyages dans le temps intempestifs.

L'acteur exerce aussi le métier de producteur (ayant produit et coréalisé les documentaires Crazy Love et The Cove - La Baie de la honte) et de chanteur (on peut l'entendre sur l'album de Lou Reed The Raven en 2003)

On suit dans le film deux jeunes actrices brésiliennes qui tiennent les rôles principaux aux côtés des acteurs occidentaux. Elles se montrent dans le film beaucoup moins avenantes que peuvent l'espérer les touristes. Elles ont une grande importance dans le film car leur attitude permet de rompre le clichés des étrangers, et ainsi ceux du spectateur.

Iracema est la femme indienne dans le film, aux mœurs sauvages mais faussement accueillante auprès des touristes. C'est son premier rôle dans un film international mais elle est considérée par Jonathan Nossiter comme la "Veronika Lake d'Amazonie"

Mary Sheyla, quant à elle (que Nossiter qualifie de "nounou délicatement subversive") en plus d'avoir un nom qui ressemble beaucoup à celui de l'auteur de Frankenstein, Mary Shelley, est une jeune actrice brésilienne qu'on a pu voir notamment dans La Cité de Dieu de Fernando Meirelles.

Malgré le titre vendeur du film, ces deux femmes tendent dans celui-ci à briser les attentes des hommes venus pour elles.

"Ces deux femmes usent d’un humour percutant pour décourager les hommes qui leur tournent autour, mais sans agressivité. Elles frustrent les fantasmes que les étrangers plaquent sur elles, avec beaucoup d’assurance. C’est une confrontation directe avec les clichés dont l’issue est rarement anodine. Et c’est très proche de ma réalité de “mi-gringo”, à la fois citoyen de ce pays et toujours étranger."

Iracema, serait donc pour Nossiter la "Veronica Lake d’Amazonie". Mais qui est donc cette Veronika Lake?

Veronica Lake est une actrice du Hollywood des années 1940, femme fatale et icône des films noirs. Sa carrière fut assez fulgurante et ne dépasse guère cette décennie. En 1948, la Paramount ne renouvelle pas son contrat du fait d'un problème d'alcoolisme; cela sonne le glas de sa carrière. Après quelques films occasionnels, elle disparaît d'Hollywood et est reconnue quelques années plus tard dans un bar où elle est devenue serveuse. Jouant alors encore quelques seconds rôles, son problème d'alcool et les suites sur sa santé la font sombrer définitivement et elle meurt d'une hépatite à 53 ans, ruinée et anonyme en 1973. Sa sombre histoire finit sur une anecdote macabre; bien avant Little Miss Sunshine, son amant transportera son cadavre du Québec au Vermont en faisant croire à la frontière qu'elle dormait.

S'il y a peu de films aujourd'hui d'elle dont on se souvienne (Les Voyages de Sullivan de Preston Sturges, Ma femme est une sorcière de René Clair ou Le Dahlia bleu de George Marshall), sa légende a perduré puisque la Jessica Rabbit de Qui veut la peau de Roger Rabbit ? est conçue sur son modèle et que dans L.A. Confidential, le personnage joué par Kim Basinger s'applique à être un sosie de l'actrice.

Sommelier qualifié, Jonathan Nossiter élabore pendant un temps les cartes de vins pour différents restaurants new-yorkais, parisiens et brésiliens. C'est son expérience du vin qui le conduira à réaliser le film Mondovino, avec lequel il se fait connaître, et dans lequel on découvre cet habile mélange d'humour, de critique politique et de réalisme documentaire traditionnel qui est sa touche. Et bien sûr, le voyage encore, puisqu'il suit dans le film des vignerons Californiens, italiens, argentins...et français!

Quand on lui demande s'il ne trouve pas que son titre peut faire penser à un film pornographique, voilà ce que répond Jonathan Nossiter: "En tant que fan de films de Série B et de porno, je ne prendrais pas ça comme une insulte. Le titre est bien sûr ironique. Le coproducteur brésilien voulait mettre sur l’affiche du film : « Pas pour les personnes politiquement correctes ». Nous vivons dans un monde terrifiant de conformisme, dont les premiers victimes (comme toujours dans ces périodes noires) sont l’ironie et l’humour."