Jean-Pierre Thorn définit ainsi son travail de cinéaste: "Je ne cesse de chercher - d'un film à l'autre – un cinéma épique : trouver une forme éclatée, hybride, une écriture faite de collages, cette fameuse « unité des contraires »: les contrepoints image/son, les cadrages en conflit avec les couleurs, les cadrages serrés avec l'immensité des plans densemble, l'intimité des êtres en conflit avec l'universalité de la fable qui les traverse. Un cinéma musical qui pulse le spectateur."
Jean-Pierre Thorn sur ses intentions de réalisation: "J'aime l'immensité des espaces de la banlieue : cet enchevêtrement darchitectures en perpétuel mouvement : construit, rasé, remodelé, reconstruit… Et dans ce «no mans land» fascinant – intervalle de la ville en jachère – l'incroyable surgissement de la nature qui ne cesse de repousser et recouvrir les ruines des industries passées. J'aime les friches, la poésie des squats, la beauté des canaux et voies RER qui transpercent la ville et ouvrent des brèches dans l'imaginaire vers d'autres destins possibles. J'espère, par mes images, rendre compte de cette beauté sauvage, de ces vibrations de couleurs pastel, de ce murmure de la ville quand on la contemple depuis les tours."
Jean-Pierre Thorn, le réalisateur de 93 la belle rebelle, est un cinéaste expérimenté et engagé politiquement. Il a commencé sa carrière en 1968 en filmant des films sur les mouvement sociaux ayant touché la France d'alors. La culture des banlieues et le mouvement musical hip-hop l'ont inspiré dès les années 90.
Pour le réalisateur, il est important de filmer les histoires individuelles qui composent l'Histoire afin de donner la parole à ceux qui ne l'ont pas : "Pour des jeunes, comprendre que leur histoire individuelle s'inscrit dans une histoire collective, c'est leur donner une distance face à l'hégémonie de l'Histoire « officielle ». C'est comprendre que - même en rupture scolaire ou au chômage – ils ont, eux aussi, une valeur ; qu'il leur faut cesser de croire que « la culture, ce n'est pas pour moi » ou qu'ils seront toujours citoyens de « seconde zone ». Donner à voir et entendre la richesse de la parole ouvrière, les mots et la culture des « sans grade », revaloriser la culture des enfants de l'immigration (la culture Hip Hop en particulier), c'est permettre à une jeunesse (aujourd'hui exclue et stigmatisée) de se respecter et de prendre conscience de son potentiel."
Plus jeune, le réalisateur a travaillé pendant 8 ans comme ouvrier spécialisé dans une usine. Il a ainsi vécu de l'intérieur et filmé la grande grève de l'ALSTHOM de 79. 30 ans après, il revient avec sa caméra avec le sentiment de côtoyer les enfants de ces anciens collègues : "Retrouver les mots de leurs pères, leurs gestes, leurs regards, cette rage à rejeter la dévalorisation engendrée par le système : la sélection par le fric, l'école, les origines, la classe sociale. (...) Filmer les mots et les musiques des rebelles du « 93 » cétait pour moi un retour aux sources de mes premières amours. Un engagement qui dorénavant passe par la musique, le chant et la danse", témoigne-t-il.
Derrière la musique et les mots du "93", c'est autre chose que cherche à saisir le réalisateur : "Le film épouse le mouvement allant du rock pour fuir l'usine (dans les années 60) jusqu'au slam aujourd'hui pour recréer de l'activité et du lien social dans un monde d'où le travail s'en est allé. C'est cette mutation intense, que je cherche à cerner, derrière le déplacement des musiques et des personnages. (...) À travers le raccourci du film, prendre conscience de l'incapacité chronique de tous les pouvoirs (de droite comme de gauche) à répondre aux utopies de la jeunesse autrement que par l'expulsion et la violence" , explique-t-il.
Jean-Pierre Thorn a reçu dès le début du projet le soutien de deux associations culturelles, Zebrock et Périphérie, toutes les deux actives en Seine-Saint-Denis. Zebrock agit dans le champ des musiques actuelles tandis que Périphérie intervient dans le documentaire de création.