Entre notre monde et un autre vit tout un tas de créatures infernales et encapuchonnés pour cacher leurs masques hideux en latex. Apparemment pas très contentes de leur situation, elles ne font rien d'autre que d'embêter une poignée d'élus humains (et de spectateurs) en leur assénant plein de visions ridicules. Seulement, elles ne peuvent le faire qu'à des moments bien précis : toujours à des dates ou à des horaires où "11.11" apparaît ! (Oui, c'est un brin idiot, des créatures sans âge d'une autre dimension se référant à un système de mesure du temps créé par des humains mais bon, s'il n'y avait que ça...)
Alors, à l'approche du 11/11/2011, autant dire qu'elles deviennent fines folles, surtout qu'à cette date, il y aurait peut-être moyen pour elles d'entrer dans notre monde pour y faire la fiesta démoniaque du millénaire ! En tout cas, bien meilleure que celle de l'an 1111 comme les livres d'histoire ne mentionnent aucun déferlement démoniaque à l'époque...
Retour dans notre monde et plus précisément dans la vie de Dan, un écrivain à succès. Depuis un petit moment, sa bonne étoile semble être complètement partie en vrille tant les tragédies successives lui tombent sur la tête comme des trombes de pluie d'enclumes.
Sa jolie femme et sa fille ? Bim, réduites en petits tas de cendres lors d'un terrible incendie.
Il monte tranquillement dans sa voiture après s'être fait dragouiller par une amie de sa thérapie de groupe (consécutive du premier drame). Bim, un conducteur le percute de plein fouet.
Son père religieux avec qui il n'a plus de contact ? Bim, son frère l'appelle pour lui annoncer que le paternel est sur le point d'aller étreindre la Faucheuse.
Son sommeil, ses nerfs et sa santé mentale ? Bim, Dan voit plein de trucs bizarres ces derniers temps, des mauvais rêves où sa femme et sa fille rôtissent une nouvelle fois bien sûr mais aussi de drôles d'humanoïdes encapuchonnés et toujours avec des 11 partout en plus...
Bon, vous l'avez compris, Dan est un de ces élus qui peuvent percevoir ce qui se passe en dehors de notre monde et, le 11 novembre 2011 approchant, ce qu'il prend tout d'abord pour de simples hallucinations post-traumatiques va prendre une ampleur bien plus menaçante...
Sacré Darren Lynn Bousman ! En 2011, alors qu'on reprenait quelque peu espoir en lui après le clivant (mais génial) "Repo ! The Genetic Opera" ou sa sympathique relecture de "Mother's Day", le bonhomme a trouvé le moyen de briser toutes nos (quelques) attentes en commettant ce "Eleven" impardonnable. Déjà le concept opportuniste d'un film autour de la symbolique d'une date (à la manière du remake de "La Malédiction" qui pointait le bout de son nez le 06/06/06) n'était pas ce qu'il y avait de plus alléchant mais, ce qu'il a trouvé le moyen d'en faire, "11-11-11" de son titre original, est un déchet absolu.
Techniquement tout d'abord. Réalisation à la ramasse, photographie hideuse, effets visuels consternants, bande originale à côté de la plaque,... Les quatre coins de l'écran semblent dégouliner d'un mauvais goût absolu qui s'incarne à son paroxysme dans un sens du montage particulièrement catastrophique semblant vouloir annihiler toute tentative crédible de narration cohérente (les pauvres comédiens en sont d'ailleurs les premières victimes). Ce découpage abrupt de chaque scène enferme "Eleven" dans un rythme sans queue ni tête et le film se retrouve ainsi dans l'incapacité totale de produire le moindre soupçon d'angoisse ou de tension -pire, d'une quelconque d'émotion.
Les séquences ratées s'enchaînent donc sur une histoire qui, sur le fond, est certes très classique mais qui, entre d'autres mains plus expertes, aurait peut-être pu produire son petit effet et, qui sait, même nous intéresser à cette utilisation du mythe de l'ouverture de la onzième porte du Paradis (les frais de serrurerie doivent être dingues dans le monde des morts).
Manque de chance, en plus d'en faire n'importe quoi visuellement Bousman, nous raconte tout ça n'importe comment.
Après une exposition aux Etats-Unis grotesque et bien trop longue (un tiers du film !), le réalisateur se décide d'un coup à délocaliser son héros en Espagne pour mieux essayer de pomper l'ambiance si particulière du cinéma fantastique ibérique alors en plein essor. Ça ne marchera pas. Bousman, pas encore remis de son expérience sur la saga "Saw", a bien évidemment construit son récit autour d'un éternel twist final se déroulant le fameux jour du 11/11/11 alors, en attendant, il faudra meubler avec des conflits familiaux/religieux (comprenez blabla sans intérêt), des scènes où le héros recherche ce que tout le monde (sauf lui) a compris depuis le début et bien entendu les apparitions de nos amis-démons à capuches de plus en plus audacieux (en gros, ils font des mitoses dans le brouillard à 11h11 pm, se cachent en grimaçant dans des taillis et laissent traîner des vieilles racines noires partout derrière eux, ces gros dégoûtants !).
De plus le film arrivera vers son terme, de plus il tentera de nous faire avaler des couleuvres atteignant la taille d'anacondas ! Avec plusieurs pics d'hilarité à la clé comme cette fille brune, connaissance toute récente et vague love interest du héros, qui saute dans le premier vol New York-Barcelone pour venir l'aider dans son enquête ("je suis une fille spontanée" dira-t-elle, si on vous dit que l'épouse morte dans un incendie était blonde, ça vous donne un vague indice sur la subtilité des évènements à suivre mais chuuut, gardons le mystère pour les plus naïfs). Et le fameux jour J, le 11/11/11, alors que la Terre s'apprête à affronter des vagues de créatures célestes monstrueuses, que vont faire ces deux grandes courges ? Se balader en amoureux dans un labyrinthe naturel à Barcelone... Ouais, pas sûr qu'on aurait opté pour ce genre de préparatifs à une attaque démoniaque de grande ampleur, hein ?...
Bref, hormis un twist très prévisible mais qui rattrape un peu cette affaire damnée par avance (après tout, c'est comme d'habitude ce sur quoi tout a été bâti), on pourrait résumer "Eleven" à une question que se pose Dan en cours de toute : "Pourquoi 11 ? Et pas 47 ? Ou 63 ?", quelqu'un lui répondra "C'est comme ça, le monde mystique a ses propres règles". En gros, les voies démoniaques sont impénétrables, va te faire voir.
Donc, si on vous demande pourquoi vous vous êtes infligés "Eleven", dites pareil. Il n'y aura pas d'autre réponse admise de toute manière...