Eleven est un mauvais film, pas indécent, mais totalement quelconque. Les acteurs d’abord ne sont pas des plus fameux. Timothy Gibbs n’est pas mauvais, mais il a un personnage qui en fait trop, et qui finit par perdre en crédibilité. Par ailleurs il est tout de même extrêmement versatile, tant est si bien que l’effort fait pour lui donner de la consistance s’écroule trop souvent. Le personnage de Michael Landes est déjà plus intéressant, mais l’acteur est presque transparent. Par ailleurs lui aussi n’est pas totalement consistant, plaidant d’un coté l’irrationnel et ne parvenant pas à croire aux fantômes ! Ca cloche. Un peu déçu aussi que quelques bons interprètes avec des personnages corrects ait été laissé de coté, à l’image de Wendy Glenn ou de Lluis Soler. Malgré tout, dans l’ensemble il n’y a pas de grosses surprises, avec une bonne ration de lieux communs et des acteurs qui peinent à faire des étincelles, au mieux jouant le jeu, au pire se montrant vraiment apathique.
Le scénario a un gros problème de rythme. Eleven est un film terriblement mou jusqu’aux vingt dernières minutes, avec un ratage total dans sa partie centrale, d’une lenteur rare. Il y a très peu d’action, de rebondissements, de suspens, et l’histoire finit du coup, par ce manque de fluidité criant, par devenir peu compréhensible voir alambiquée, avec une histoire de chiffres dont on ne sait plus trop bien ce qu’elle signifie ni d’où elle vient. Le dénouement est par ailleurs assez quelconque, et ce terme, quelconque, je crois caractérise bien Eleven. Il n’y a rien de surprenant, de prenant, d’intriguant, le public le plus aimable suivra poliment ce qui se passe à l’écran, mais ne frissonnera guère.
Coté réalisation, Bousman livre un travail sympathique, bien référencé, mais trop poli. Il a pourtant une grande expérience du cinéma d’horreur, mais il faut avouer qu’ici il semble avoir privilégié l’ambiance à l’action, en favorisant des mouvements de caméra lent, des plans fixes, en s’attachant aux décors, et même si c’est pas mal fait, le souci c’est que cela ne fait que renforcer le coté somnolent du métrage. Il aurait fallu au contraire plus de punch, plus de nervosité, pour atténuer l’impression paresseuse du scénario et des acteurs. On appréciera cependant une jolie photographie, c’est vrai, avec des couleurs soignées, de beaux contrastes chaud-froid qui font d’Eleven un métrage assez efficace de ce coté là. D’autant que les décors, sans être géniaux, s’avèrent relativement convaincant. Là aussi plus de personnalité n’aurait pas été de refus. Les effets spéciaux, peu nombreux sont encore de bonne qualité. En revanche il ne faut pas s’attendre à un véritable film d’horreur avec des scènes sanglantes, Eleven fait vraiment le choix de l’ambiance pour amener les frissons. C’est plutôt raté sur ce dernier point, et là encore, l’absence de violence graphique n’aide pas à se réveiller. Quant à la musique, c’est surtout une musique d’atmosphère, sans grande personnalité mais efficace malgré tout.
Au bout du compte Eleven n’est pas film infâme, mais il est juste très quelconque, et il glisse comme une goutte d’eau sur les plumes d’un canard. Après visionnage il ne reste guère autre chose qu’une impression d’ennui poli devant un spectacle plutôt élégant, mais sans aucune saveur. Bref, un film de genre qui n’a pas de sel, ce qui décevra légitimement les amateurs. 1.5.