Sarah Bouyain explique l'origine du titre de son film : "Lorsque j’allais au Burkina rendre visite à ma grand-mère paternelle, elle passait son temps à se tordre les doigts en se demandant ce qu’elle allait bien pouvoir cuisiner de bon à son étrangère. (C’était ainsi qu’elle m’appelait). En vertu des lois de l’hospitalité, cette appellation d’étrangère était sans nul doute honorifique, d’autant plus honorifique que je venais du « pays des Blancs ». Moi, je trouvais que c’était une façon de me mettre à distance et j’aurais préféré un nom plus affectueux comme « chair de ma chair »."
Le film a évolué en cours de route et a dévié de son sujet de départ : "Au début, c’était plutôt un film sur la langue qui était au centre de l’histoire", explique la réalisatrice. "Et puis il y a eu un glissement progressif vers quelque chose de plus autobiographique. Je n’avais pas conscience que c’était un film qui empruntait autant d’éléments à ma vie et à celle de ma famille."
Propos recueillis par Michel Amarger.
Le métissage est le mélange de deux mondes, et ce sont ces mondes que Sarah Bouyain a voulu présenter : "Ils sont très éloignés l’un de l’autre mais il n’est pas impossible de les lier. Il y a des lieux-liens. Par exemple, lorsque Amy arrive en Afrique, on ne sent pas la rupture. Elle est chez un tailleur et c’est quand elle sort avec lui pour aller à moto chez sa tante, qu’on peut être sûr qu’elle est au Burkina et pas en France. Il y a aussi le foyer que la mère, Mariam, partage avec sa colocataire. C’est un lieu un peu entre les deux. Donc pour moi, il y a quand même des ponts, des liens formels entre ces deux mondes."
Certains passages sont muets, d'autres très disert, une idée qui a germé dès l'écriture, comme l'explique la réalisatrice : "Dans les films familiaux, on ressent souvent le besoin de brosser un arbre généalogique et c’est souvent fait avec plus ou moins de légèreté... On a essayé d’épurer le scénario autant que possible par rapport à ça. Au montage aussi, il y avait des séquences plus explicatives. Le film est parfois assez silencieux. Il y a des moments par contre où il est très bavard. Dès l’écriture, on ne voulait pas que les moments de parole servent à donner des informations. On voulait un bavardage qui soit plus musical. Quand les gens parlent, ils ne disent pas des choses clés. Ce qu’ils ont à dire, ce que le spectateur doit sentir, passe par autre chose".
Propos recueillis par Michel Amarger.
Sarah Bouyain justifie son choix d'imposer par moment la langue dioula au spectateur, langue parlée dans une partie du Burkina : "L’idée de départ du film était l’apprentissage de cette langue. C’est resté comme une manière de montrer les problèmes de communication. (...) Valérie Loiseleux, la monteuse du film, regrettait qu’on ne sous-titre pas certaines parties des choses dites, par exemple au moment de la dispute entre Amy et sa tante. On sent que c’est dur par le ton des actrices mais on ne sait pas ce qui se dit si on ne parle pas dioula. Du coup, le spectateur est vraiment dans la situation de Amy. Il y a des gens qui ne vont pas comprendre les mêmes choses dans le film. Mais l’essentiel peut quand même être perçu parce que l’essentiel n’est pas que culturel".
Propos recueillis par Michel Amarger.
Sarah Bouyain présente les actrices de son film : "Dorylia Calmel, qui interprète Amy, a plus souvent joué au théâtre qu’au cinéma. Par ailleurs, sa pratique du trapèze lui donne de la puissance, de la nervosité. Mais elle a un jeu qui peut sembler plus sobre que celui de Blandine Yameogo, la tante. Comédienne et danseuse, Blandine nous a ému pendant le casting par sa présence. Le jeu d’Assita Ouedraogo qui est Mariam, est encore différent. Je me rappelais d’elle dans La promesse et elle a été là depuis le début. C’est quelqu’un qui a une présence assez forte et assez dure. Il y a quelque chose d’assez singulier dans son corps très élancé, presque à la limite du réalisme... Quand on regarde Assita Ouedraogo dans le film, on voit d’abord une solitude avant de voir une femme africaine."
Propos recueillis par Michel Amarger.
Le personnage d'Amy est souvent filmé en plans fixes, une volonté de Sarah Bouyain : "Le décor principal, la maison où l’on a tourné à Bobo-Dioulasso, est une maison dans laquelle j’ai vécu en vacances, avec ma grand- mère. J’ai le souvenir d’être assise, qu’il ne s’y passait rien, que rien ne bougeait même si j’ai aussi beaucoup parlé avec ma grand-mère. J’en ai une sensation très statique. Elle est posée. Cela nous a frappé quand on a fait les mises en place avec les actrices. La fixité du cadre permet aussi de voir Amy qui bouge beaucoup. Elle va et vient."
Propos recueillis par Michel Amarger.
Dominique Reymond et Nathalie Richard avaient déjà joué dans un même film : Le Plaisir de chanter d'Ilan Duran Cohen, une comédie policière tournée en 2007.
Il s'agit du premier long-métrage de fiction de Sarah Bouyain. Après des études de mathématiques, elle a fait l’école de cinéma Louis-Lumière, puis a réalisé un film documentaire sur le métissage colonial, intitulé Les Enfants du Blanc (2000). Elle écrit également des nouvelles sur le même thème, regroupées dans le livre "Métisse façon" (2003).