Jérôme Le Gris, le réalisateur, revient sur le cinéaste qui l'a le plus influencé : "J’ai été très marqué plus jeune par le cinéma d’Hitchcock (La Mort aux trousses, Psychose et Sueurs froides entre autres) et ses héroïnes féminines (Ingrid Bergman, Grace Kelly, ...), j’ai eu envie de suivre ses traces." Avec Requiem pour une tueuse, il réalise son envie de faire "un polar hitchcockien ancré dans notre époque".
Impressionné par le travail de la jeune actrice dans Je vais bien, ne t'en fais pas, Jérôme Le Gris a immédiatement pensé à Mélanie Laurent pour "incarner une héroïne moderne, une sorte de Kill Bill mâtiné de L' Affaire Thomas Crown. Mélanie a un registre très large, une présence incroyable, elle a été une source d’inspiration. Le fait qu’elle ait aimé le script a été un vrai bonheur. C’est une actrice incontournable aujourd’hui." Quant à Mélanie Laurent, elle revient sur sa rencontre avec le réalisateur : "Je connais Jérôme Le Gris depuis longtemps. À l’époque où Je vais bien, ne t'en fais pas n’était pas encore sorti, il voulait déjà réaliser un film dans lequel il m’avait proposé un très joli rôle. Même si le film n’a pas pu se monter, j’ai tout de suite cru en lui, en son univers. Sa passion et ce qu’il est humainement m’ont plu. Nous sommes restés en contact et j’ai toujours gardé l’envie de travailler avec lui. (...) Des années plus tard, Jérôme m’a donné le scénario de Requiem pour une tueuse en m’annonçant que j’étais le personnage principal ! (...) en lisant l’histoire, en sachant tout ce que Jérôme pouvait donner au film, j’ai tout de suite accepté."
Jérôme Le Gris revient sur les partenaires de jeu de Mélanie Laurent : "Le personnage de Clovis Cornillac génère une deuxième intrigue, une menace sur la menace. (...) Rico n’est pas un agent implacable, il lui arrive de douter, d’échouer. Au-delà de sa présence physique, Clovis lui insuffle une humanité tout de suite palpable. (...) L’idée de Tchéky Karyo est venue du directeur de casting, Gérard Moulevrier, et j’ai tout de suite adhéré. Tcheky est un acteur charismatique. (...) La loyauté, le professionnalisme et le code d’honneur du personnage lui vont bien, le côté clanique aussi. Il a proposé beaucoup de choses." Quant à Mélanie Laurent, elle était ravie à l'idée de travailler avec les deux acteurs : "Ce sont deux comédiens que j’aime beaucoup. Alain Terzian, le producteur, a eu l’élégance aujourd’hui trop rare d’organiser un dîner avec eux, (...) j’ai découvert l’humour de Tchéky et le côté très humain de Clovis. Avant ce dîner, j’étais déjà impatiente de faire le film mais après, c’était pire ! (...) Tourner avec les deux a été un vrai plaisir. Le personnage de Lucrèce ne va pas souvent au bout de ses émotions et lorsqu’elle y va, c’est avec le personnage de Clovis et celui de Tchéky. J’attendais ces scènes avec beaucoup d’envie."
L'enjeu principal pour le réalisateur était de jouer avec les codes du genre. Ainsi, Requiem pour une tueuse fait référence au cinéma d'Hitchcock (que Jérôme Le Gris considère comme "un maître absolu") notamment à travers son héroïne blonde et sa musique qui s'inspire de celle de Bernard Herrmann, compositeur attitré d'Hitchcock. Mais très vite, le réalisateur s'amuse à multiplier les fausses pistes. Pour Mélanie Laurent, le mélange des genres est un des points forts du film : "Jérôme joue avec les codes du thriller, mais le facteur humain va surgir et changer la donne. (...) Chacun se retrouve dans la ligne de mire de l’autre et rien ne se passe comme prévu. Ce ne sont plus des machines implacables. On se retrouve du coup avec des scènes très humaines, un peu à la Sautet, dans un univers de thriller et de polar. Le film est un mélange original, avec de l’émotion, de l’humour et un vrai rythme." L'une des autres caractéristiques du film est de laisser le spectateur avoir une longueur d'avance sur les protagonistes, comme l'explique ici le réalisateur : "Même si j'admire Agatha Christie, je préfère Columbo. Deux choix de narration possibles en polar. (...) Je trouve beaucoup plus intéressant que le spectateur connaisse une partie de la réponse et qu’il voie les personnages hésiter, se tromper. Tout en les suivant, il les découvre, il s’y attache, ce qui n’empêche pas de brouiller un peu les cartes."
Le réalisateur revient sur la préparation de l'univers visuel de son film : "J’essaie de faire un maximum de choix pendant la préparation. Nous avons entièrement storyboardé le film, afin de réfléchir à tous les éléments et d’optimiser les moyens à notre disposition. Pour créer l’ambiance que je souhaitais, il fallait penser au cadre en amont, travailler le découpage, les costumes, les décors et tout ce qui participe à l’esthétique."
Le tournage s'est déroulé sur neuf semaines. Le réalisateur n'ayant pas trouvé un château réunissant toutes ses exigences, le lieu de l'action est composé d'éléments disparates : "Nous avons tourné au château de Voisins, près de Rambouillet, et nous avons filmé le théâtre à l’Athénée à Paris. Ensuite il y a eu les Alpes."
Le Messie est une œuvre lyrique composée en 1741 par Georg Friedrich Haendel qui évoque la résurrection et la rédemption du Christ.
Pour incarner ses seconds rôles très dessinés, le réalisateur est allé chercher des acteurs de théâtre : "Je suis allé chercher des visages que l’on ne voit pas beaucoup au cinéma mais qui sont très présents au théâtre. Nous avons en France, tout le monde le sait, un vivier de comédiens extraordinaires qui réussissent sur les planches et qui restent rares au cinéma. C’est vrai de Xavier Gallais, qui joue le directeur, de Johan Leysen - le révérend -, de Christopher Stills, de Corrado Invernizzi, de Frédérique Tirmont - la colonel -, et de Michel Fau, qui joue le chef d’orchestre. J’ai voulu aller vers eux. Même à travers des scènes parfois courtes, ils arrivent tous à imposer de vrais personnages qui deviennent des rouages de l’histoire."
Mélanie Laurent parle de son personnage : "C’est une tueuse à gages d’un genre particulier. Sa spécialité consiste à ne laisser aucune trace, à faire passer la mort de sa cible pour naturelle. (...) C’est un personnage qui ne parle pas beaucoup. Lucrèce a un côté introverti, presque timide qui contraste avec ce qu’elle fait. C’est une jeune femme discrète. (...) Le chant, qui est sans doute l’activité la plus personnelle et la plus vraie de sa vie, fait surgir le facteur humain là où il ne devrait pas avoir sa place. (...) Lucrèce est coincée dans une vie qui la met de plus en plus mal à l’aise. Elle souffre de ce rapport avec sa petite fille, difficilement assumé, parce qu’elle ne supporte plus d’être si souvent éloignée pour ses contrats. (...) Lucrèce en est là au début du film, et cet état d’esprit va sans doute contribuer à lui faire baisser sa garde."
Très différente de son personnage, Mélanie Laurent retrace la préparation de son rôle : "Ce qui la définit, c’est une ligne, une image dont elle ne s’éloigne jamais. C’était très intéressant à construire. Je n’avais jamais joué de personnage sur ce registre. (...) C’est aussi un rôle plus mature que ce que j’ai eu l’occasion de jouer jusque-là. C’est la première fois que j’assume un côté femme, et Jérôme Le Gris le souhaitait aussi. Nous avons aussi beaucoup travaillé la façon dont Lucrèce observe et réagit. Quand elle regarde quelque part, elle le fait directement, sans hésiter, jamais au hasard. Même chose pour ses gestes. Elle ne papillonne pas, elle se comporte un peu comme un oiseau de proie, elle cible tout. Dès qu’elle pose son regard sur quelque chose, on sait qu’elle réfléchit. C’était très précis et très agréable à jouer. Je trouve que du coup, face à des personnages plus extravertis comme le directeur, joué par Xavier Gallais ou les autres participants du festival, Lucrèce devient encore plus énigmatique."
Pour le personnage de Lucrèce, Mélanie Laurent et l'équipe du film ont créé "une allure années cinquante, une silhouette très dessinée, avec quelque chose de félin qui correspond bien au jeu de chat et de souris qui se déroule. Nous avons d’abord travaillé l’apparence, la coiffure et le maintien. Je me tiens très droite, j’ai une coupe au carré et Jérôme a beaucoup travaillé la lumière. Sur ce film, pour la première fois, j’avais mon maquilleur et mon coiffeur avec qui d’habitude, je fais plutôt des photos de mode. Ils ont amené autre chose à mon look. (...) Toutes mes tenues, mes robes ont été choisies chez Balenciaga. Le personnage avait aussi quelques scènes où il était possible de jouer une apparence, une allure assez rare dans le cinéma français et que je n’avais jamais eu l’occasion d’explorer avant."
Même si Mélanie Laurent n'interprète pas elle-même les chants lyriques du film, elle a tout de même dû se former à cet art: "il m’a fallu travailler une facette que je ne maîtrisais pas du tout. Le chant est quelque chose qui implique tout le corps, le visage et la gorge en particulier. Il est impossible de se contenter de bouger les lèvres. Pour la crédibilité physique des scènes, je devais chanter réellement, même si ce n’est pas ma voix que l’on entend. J’ai donc pris des cours et je m’y suis consacrée d’autant plus intensément qu’à la même époque, je préparais mon propre album de chansons. Deux aspects de mon travail se rejoignaient sur cette préparation. Pour le film, j’ai surtout fait des exercices, travaillé la respiration et la tenue du souffle. Dans le Messie de Haendel, il y a des notes qui durent longtemps et même si je ne chante pas comme un contralto, les reprises de souffle et la tenue sont authentiques. Un vrai travail d’apnée !"
Mélanie Laurent est particulièrement enthousiaste lorsqu'elle évoque sa relation de travail avec Jérôme Le Gris : "Jérôme est quelqu’un qui respecte et qui aime ses comédiens. Il a fait une lecture avec chaque personnage séparément, pour mettre tous les détails au point. On a réfléchi ensemble. Il a une vraie écoute et il fait confiance. Jérôme a choisi une équipe qui lui ressemble, jeune, douée, motivée par la volonté de tout faire au mieux. En bon chef de troupe, il a installé une atmosphère assez familiale sur le tournage. Le travail était là mais dans une ambiance joyeuse. (...) Il a tenu son rôle et nous a protégés. Même les techniciens qui ont fait énormément de films retrouvaient une envie et un plaisir de travail à son contact."
En plus de faire l'actrice, Mélanie Laurent a profité du tournage de Requiem pour une tueuse pour se familiariser avec ce qui se passe derrière la caméra : "Sachant que j’allais moi-même passer à la réalisation, j’observais le processus de fabrication avec encore plus d’attention que d’habitude. J’ai même fait des mini stages avec tous les chefs de poste. J’ai travaillé le son, fait des changements de filtres à la caméra, le clap et j’ai même tourné un plan avec le steadicam qui doit faire mon poids !"