En sa qualité de premier film de super-héros russe, L'Éclair noir est unique à la Russie... mais pas au monde. Et l'arrivée du pays dans le genre (ou du genre dans le pays) va se faire dans la douceur d'une imitation bien vue, mais aussi dans la douleur d'une imitation... qui en est une.
Dans la douceur parce que c'est distrayant. C'est du spectacle visuellement plaisant et qui émoustille l'imagination d'une façon que l'Occident ne connaît pas. Parce que les Russes font leurs films à leur sauce, à moins qu'elle ne soit importée ? Le cadre d'une gentille famille, une belle voiture de la Mère Patrie, le symbole des trois ivrognes qui quittent leur vice pour le chemin de la droiture ; un genre de propagande financée à grands coups de la marque Mentos qu'on affiche sans honte à plusieurs reprises et avec toute la manière anti-cinématographique d'un spot publicitaire.
Outre cela, on se dépêche d'évacuer une introduction avec un montage à l'efficacité kolkhozienne pour nous présenter la magie de l'iPhone. Vous vous demandez peut-être ce que cela fout dans ma critique, mais je me demande, moi, ce que ça foutait dans le film, ce personnage principal aux allures, lui aussi, de sponsor. Peut-être Marx avait-il promis un iPhone à tout moujik, cet outil merveilleux permettant à la populatsya d'accéder librement à son Petit eBook Rouge. La surprise est de taille lorsque la belle voiture de la Mère Patrie décolle vers l'infini et au-delà, littéralement dans le ciel, comme pour battre les Américains à la course "en" Espace. Ou peut-être que c'est la course à l'absurde ?
On hésite à comprendre que c'est le spectacle ou l'humour qui est censé prendre le volant, mais je suis arrivé, pour ma part, à oublier que la supervoiture renfermait un héros à la classe inexistante, tout juste digne de l'épithète ridicule de Flowerman, parce que j'ai réussi à trouver la raison de cet espèce de комiк porté à l'image, instrumentalisant la technologie comme du temps où les ingénieurs n'avaient pas inventé la guerre tiède. Car si l'imitation est avouée, sa manière n'est pas un plagiat ; le scénario est un vrai hybride oriento-occidental tel que celui dont nous a régalé Megerdichev pour Dark Fantasy (Тёмный Мир) un an après, et l'utilisation du set-up / payback se voulant l'apanage des auto-références du scénario à sa propre intelligence est telle qu'on ne peut la qualifier d'outrancière ou mal inspirée, car elle alimente vraiment le scénario de ses empreintes en forme de clins d'œil. La niaiserie des plans aériens finit par se prendre au sérieux - notamment grâce à la cinquième rouble du carosse que constitue la bienveillante production de la Universal - de sorte que le surplus vient à surplaire.
Finalement, je crois que le cinéma russe ne pouvait guère admettre plus esthétiquement ni de manière plus divertissante que les blockbusters sont une bonne chose, mais l'hypocrisie survit ; je crois que c'est dans l'interprétation à l'endroit de cette erreur qui détermine fondamentalement si l'on en aime le produit ou non.
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