Case Départ est le premier long métrage réalisé par Thomas Ngijol, Fabrice Eboué et Lionel Steketee.
Avec Case Départ, l'équipe du film a souhaité faire rire, mais aussi faire réfléchir le spectateur. "J’espère que les gens comprendront notre message, qu’il ne s’agit pas d’une comédie sur l’esclavage mais sur l’insertion, sur le racisme, sur l’état actuel des choses. J’aimerais qu’ils ressortent de la salle en se disant qu’ils ne sont pas juste allés voir une comédie pour se marrer. Qu’il y ait un peu une réflexion quand même", confie Lionel Steketee.
Parce que Case Départ parle d'un sujet sensible, il était important pour les scénaristes de prendre des pincettes, d'où l'idée d'un retour en arrière qui fait office de miroir au présent. Fabrice Eboué revient sur ce choix : "Le sujet est tellement sensible aujourd’hui que si nous l’avions traité autrement que par le biais de ce retour dans le passé, nous n’aurions pas réussi à aboutir le propos. C’est en remontant dans le passé et en montrant le chemin accompli depuis trois cents ans que ce film prend toute sa portée. Il faut arrêter de se laisser manipuler par les extrêmes qui n’attendent que la haine d’un côté ou de l’autre parce qu’ils ne vivent que de ça. L’histoire dessine une trajectoire sur laquelle nous sommes déjà bien avancés mais qu’il faut poursuivre. Le film parle vraiment de notre époque, mais il en parle d’autant mieux que c’est abordé par comparaison directe avec le passé."
Thomas Ngijol et Fabrice Eboué se sont rencontrés lors de la première saison du Jamel Comedy Club, émission à sketches diffusée sur Canal + et crée par Jamel Debbouze et Kader Aoun.
Fabrice Eboué a rencontré Lionel Steketee sur le tournage de Fatal. Conscients qu'ils ne pouvaient pas réaliser le film seuls, Thomas Ngijol et lui-même ont tout de suite pensé à l'assistant réalisateur pour donner vie au scénario de Case Départ.
Le tournage a duré 44 jours et s'est déroulé entre Paris et Cuba. Au départ, les réalisateurs souhaitaient tourner en Martinique, mais la population était très réticente, en partie à cause du lien complexe qu'elle entretient avec l'histoire de l'esclavage.
Lionel Steketee raconte pourquoi il a accepté de co-réaliser Case Départ : "J’étais en tournage lorsque Fabrice m’a envoyé le script. Je l’ai lu aussitôt et je l’ai rappelé pour lui dire à quel point j’étais emballé. J’ai aimé le thème, la façon de le traiter, l’originalité du sujet, tout le discours, le message et le sens qu’ils arrivaient à mettre dans une comédie. Il y avait des situations, des dialogues, des choses qui devaient être dites. Le fait que ce ne soit pas une simple comédie à gags mais qu’elle propose aussi une réflexion en faisait un projet assez rare. À partir de là, tout est allé très vite. On a commencé à travailler quinze jours plus tard et on est partis en repérages."
Réaliser un film à 6 mains n'est pas une chose facile. Pour que tout se passe bien, les trois réalisateurs se sont naturellement répartis les tâches. "Beaucoup doutaient qu’une réalisation à trois puisse fonctionner mais cela s’est parfaitement passé parce que nous étions complémentaires et tous décidés à faire le meilleur film possible, sans ego. Quand je jouais mes scènes, Thomas pouvait me diriger et vice-versa, et Lionel observait et captait le tout", explique Fabrice Eboué. Lionel Steketee ajoute : "Nous nous sommes partagés le travail pour qu’eux s’occupent à 100% du jeu et des intentions et moi de l’aspect artistique et technique, mais les rares fois où je pensais que le jeu n’allait pas, je le leur disais et on en discutait."
Pour créer les personnages de Case Départ, Thomas Ngijol et Fabrice Eboué se sont servis de leur expérience et de leur environnement. "Fabrice et moi avons côtoyé des gens qui ressemblent à Régis et Joël. Bien sûr, pour le film, nous sommes allés chercher en eux ce qu’il y avait de plus fort – chez Régis, cette volonté d’intégration quitte à faire preuve de discrimination, et chez Joël, cette habitude de se plaindre, de prétendre que la France est raciste, la France ceci, la France cela… On en connaît, ils existent. Pour construire les deux personnages, nous avons concentré tout ce dont nous avons pu être témoins, partout. Cela s’est fait naturellement.", raconte Thomas Ngijol.
Fabrice Eboué et Thomas Ngijol se sont beaucoup inspirés de leur famille pour créer les personnages de Régis et Joël. "Comme beaucoup d’enfants d’immigrés, nous nous sommes aussi inspirés de nos parents, nos pères en l’occurrence, qui ont vécu des périodes bien plus difficiles que la nôtre. Eux ont été obligés à chaque étape de leur vie d’adopter des positions différentes vis-à-vis de la France et de leur intégration. Thomas et moi avons eu des parents qui au départ, étaient super enthousiastes, qui essayaient justement de s’intégrer à fond, et qui, ensuite, voyant que ça ne marchait pas, ont pu connaître des périodes de rejet. Les deux personnages principaux portent à la fois le rejet et l’enthousiasme dans ce qu’ils ont de plus excessif", explique Fabrice Eboué.
Bien qu'étant les personnages principaux de l'histoire, Régis et Joël ne sont en rien des héros. En effet, les scénaristes se sont attachés à les dépeindre sans complaisance. "Nous aurions pu représenter Joël comme un de ces personnages de petits banlieusards un peu roublards, un peu vanneurs que l’on finit par bien aimer, mais nous avons préféré le dépeindre sans indulgence. C’est un abruti qui insulte les vieilles et qui vole les enfants. Ces gens-là existent aujourd’hui", affirme Fabrice Eboué. Thomas Ngijol ajoute : "Tout comme le personnage de Régis, dont on ne parle pas dans les médias mais qui existe dans nos institutions. Ce sont des figures quotidiennes."
Thomas Ngijol et Fabrice Eboué ont toujours su quels personnages ils interprèteraient. Pendant toute la phase d'écriture, les personnages portaient même le nom des deux auteurs. Ce n'est que quelques jours avant le début du tournage, qu'ils ont changé les noms.
Une scène comptait particulièrement pour les deux comiques, nous apprend Fabrice Eboué : "Nous attendions certaines scènes comme celle de la salle des fers, lorsque les deux frères se rapprochent juste avant la pendaison. C’est une scène très forte au plan émotionnel. C’est là qu’ils tirent toutes les leçons de ce qu’ils ont traversé, là que le film prend son sens. L’approche n’était pas du tout la même que pour les autres scènes parce que Fabrice et moi en avions parlé très vite et ne l’avions pas répétée ensemble. Nous sommes restés chacun dans notre coin. Lorsque le jour J est arrivé, nous étions très concentrés, très investis. On l’a tournée et ensuite, il y a eu comme une libération."
Bien que Case Départ ne soit pas un film historique, l'équipe a souhaité réaliser un film cohérent. "Nous ne prétendons bien évidemment pas faire un film d’historiens, mais nous avons voulu rencontrer une historienne pour éviter les erreurs, être cohérents", assure Fabrice Eboué.
Pour les scènes de dîner, très nombreuses dans le film, les réalisateurs ont fait des recherches abondantes, comme l'explique Fabrice Eboué : "On a revu des films comme Ridicule de Patrice Leconte, que j’aime beaucoup, pour cette ambiance de cour de Versailles. On s’est aussi entretenu avec une historienne."
Un des thèmes importants du film est l'héritage culturel. Selon Fabrice Eboué, "le film dit aussi qu’il ne faut pas oublier nos racines", Case Départ "n’est pas un film sur l’esclavage, c’est un film sur l’identité" .
Selon un article du Code Noir, les Juifs ne pouvaient pas posséder d'esclaves. Cette anecdote a inspiré les scénaristes pour l'écriture d'une scène cocasse. "Dans ce livre où, en gros, ils expliquent le racisme, ils se débrouillent pour mettre un article antisémite ! Il y a quantité de polémiques sur les Juifs qui auraient été des esclavagistes ou pas mais nous, on trouve ça tellement surréaliste… Comment est-il possible de débattre raisonnablement pour savoir qui des Juifs ou des Noirs a le plus souffert ? On s’est dit que l’on allait faire une scène de comédie là-dessus… Un débat entre des Noirs qui viennent du futur et un Juif qui n’a pas tous les arguments puisqu’il lui manque des données historiques connues des deux autres ! Cela donne cette discussion impossible, une des meilleures du film à mon sens, et que j’ai adoré jouer…", raconte Fabrice Eboué.
Avant de passer à la réalisation avec Case Départ, Lionel Steketee était un assistant réalisateur très réputé. Il a notamment était assistant sur des films comme Le Pacte des loups, Hotel Rwanda, Lucky Luke ou Fatal.
Le casting de Case Départ est largement composé d'acteurs peu connus, une volonté assumée par les réalisateurs : "Il y avait une volonté de ne pas prendre des stars quels que soient les autres rôles, pour des raisons financières mais aussi pour éviter que le clin d’œil ne prenne le pas sur le reste. On nous a proposé des gens extrêmement connus pour des petits rôles mais ce n’était pas notre démarche", affirme Fabrice Eboué. Thomas Ngijol renchérit : "L’histoire en sort grandie et les comédiens aussi. On retient le rôle et pas l’individu. Tout est neutre, à commencer par nous qui n’avons jamais eu de rôles si importants. Cela apporte une certaine fraîcheur."
Pour interpréter Monsieur Jourdain, les scénaristes ont rapidement pensé à Etienne Chicot, comme l'explique Fabrice Eboué : "Je me suis souvenu du film Les Portes de la gloire avec Benoît Poelvoorde, un classique pour moi. Étienne a tout de suite été emballé par le projet. Comme son personnage, il peut avoir quelque chose de désabusé, un peu fatigué de tout, de ce qu’il est, il campe un remarquable Monsieur Jourdain."
Catherine Hosmalin interprète Madame Jourdain. Depuis quelques temps, elle s'impose sur le grand écran avec des films comme La Rafle ou Mammuth. "On voit de plus en plus Catherine Hosmalin, qui joue Madame Jourdain dans le film. Elle incarne à merveille cette femme qui parle de la pauvreté avec un certain dédain tout en se gavant. Nous l’avons tout de suite vue dans le rôle", confie Fabrice Eboué.
C'est la seconde collaboration entre Thomas Ngijol et Joséphine de Meaux. En effet, ils étaient tous les deux au générique du film Vilaine, en 2008. Pour Case départ, Thomas Ngijol avait rapidement pensé à elle, mais elle était déjà prise par un autre projet. Finalement, elle a pu se libérer à temps pour rejoindre l'équipe du film à Cuba.