Thérèse Desqueyroux est l'adaptation du roman éponyme de François Mauriac publié en 1927. Le livre a connu une première adaptation en 1962, dirigée par Georges Franju et interprétée par Emmanuelle Riva et Philippe Noiret.
Claude Miller a été marqué par le roman de François Mauriac étant étudiant et a toujours gardé dans un coin de sa tête l'idée d'en faire un jour une nouvelle adaptation : "Après deux ou trois films chacun de notre côté, Yves Marmion, qui avait déjà produit Un secret, d’après Philippe Grimbert, avait envie que nous fassions un Mauriac ensemble. Etudiant, un roman m’avait beaucoup marqué : "Thérèse Desqueyroux". Je l’ai relu. Tout ce que j’aime au cinéma était là : il y a dans Thérèse Desqueyroux un climat d’ambiguïté qui exige du spectateur un travail pour rentrer dans le film", révèle le cinéaste français.
Claude Miller a pu achever Thérèse Desqueyroux malgré la maladie, mais il s'agira cependant de son dernier film. Depuis quelques temps, le metteur en scène luttait ainsi contre un cancer, qui l'a finalement emporté le 4 avril 2012. Gilles Lellouche témoigne de l'ambiance à la fois joviale et triste du tournage : "C’était une ambiance à la fois très studieuse et très décontractée. Nous étions très proches de Claude : nous savions qu’il était malade et sentions à quel point ce film lui faisait du bien. Thérèse Desqueyroux se tournait à quatre-vingt kilomètres de Bordeaux et, chaque matin, avant de venir sur le plateau, il se rendait là-bas pour une radiothérapie ; ce qui ne l’empêchait pas de nous envoyer un petit texto plein de gentillesse. Il y a eu sur ce tournage une charge humaine triomphante."
Claude Miller admet préférer filmer les femmes ; c'est une des raisons qui expliquent pourquoi le metteur en scène a voulu adapter Thèrèse Desqueyroux : "J’ai beaucoup plus de plaisir dès qu’une femme est sur le plateau. Ça me rappelle une phrase de Céline dans "Mort à crédit". Ferdinand Bardamu rencontre un vieux copain qu’il n’a pas vu depuis des années, et lui dit : "Mais t’as l’air tout triste. Pourquoi ?" Et l’autre répond : "J’étais dans le métro, je suis triste parce qu’il n’y a aucune femme dans le métro. Je suis un peu comme ça. Je suis triste quand il n’y a pas de femme dans le métro"", illustre le réalisateur.
Il s'agit de la première collaboration entre le célèbre cinéaste français et l'inoubliable interprète du Fabuleux destin d'Amélie Poulain. Claude Miller ne tarit d'ailleurs pas d'éloges au sujet d'Audrey Tautou : "Avec Audrey, c’était particulièrement magique. Comment dire ? Peut-être est-elle arrivée, encore plus vite que les autres, à être dans une note qui me plaisait, qui était celle que j’avais imaginée", s'enthousiasme le metteur en scène.
Thérèse Desqueyroux marque la septième collaboration entre Claude Miller et le populaire comédien québécois Yves Jacques. En effet, les deux hommes avaient travaillé ensemble sur La Classe de neige (1998), La Chambre des Magiciennes (2000), Betty Fisher et autres histoires (2001), La Petite Lili (2002), Un secret (2007) et Voyez comme ils dansent (2009).
Dans le roman original de François Mauriac, l'histoire est racontée sous forme de flashbacks. Claude Miller n'a pas voulu reprendre cette idée et a préféré raconter l'histoire de manière linéaire, ce qui donnait au récit "d'autant plus de force", selon le cinéaste.
Gilles Lellouche campe Bernard Desqueyroux, le mari de Thérèse dans le film. Claude Miller et l'acteur se sont rencontrés au Festival du film de Marrakech, où le cinéaste en a profité pour donner le scénario au comédien. Dès son retour en France, ce dernier a rappelé Miller pour lui dire qu'il voulait faire le film : "Qui d’autre aurait pu jouer Bernard ? Gilles rend très bien la raideur de cet homme élevé dans le carcan familial et, en même temps, filtre en lui tout l’amour qu’il éprouve pour sa femme. Lui aussi est une victime. Mais la vie, aussi bien pour lui que pour elle, ne se laisse pas faire", explique le metteur en scène.
Audrey Tautou n'a rien improvisé durant le tournage du film, voulant à tout prix respecter le texte et rendre justice à l'intériorité du personnage, aux non-dits : "Pendant tout le tournage, je ne me suis jamais autorisée une seconde d’improvisation, je savais exactement où elle en était de son tumulte intérieur. Thérèse parle deux langages : le premier, celui qu’on entend ; et le deuxième, simultané, ce qu’elle ne peut pas exprimer. En étant forcée de se taire, elle a constamment un dialogue intérieur avec elle-même", confie l'actrice.
Pour exprimer le tumulte intérieur de son personnage, Audrey Tautou avait une technique bien à elle : "Pour chaque scène, j’avais écrit, parallèlement au scénario, des éléments de ce dialogue intérieur. J’imaginais quels sentiments, quels agacements elle éprouvait pour Bernard, pour cette famille, les véritables mots qu’elle aurait voulu leur dire", dévoile la comédienne, qui n'a pas révélé l'utilisation de cette technique au metteur en scène Claude Miller pendant le tournage.
Selon Claude Miller, un grand acteur n'a pas besoin de beaucoup d'indications pour jouer un rôle ; c'est pourquoi le cinéaste n'était pas homme à trop parler, mais plutôt à laisser le champ libre à ses comédiens, comme en témoigne Audrey Tautou : "C’est vrai qu’il donnait très peu d'indications, ce qui d’ailleurs m’a quelque peu déstabilisée au début du tournage ! Il plaisantait : "Peut-être que je ne suis pas assez exigeant.""
Thérèse Desqueyroux a été présenté hors compétition au Festival de Cannes en 2012.