Oncle Boonmee a remporté la prestigieuse Palme d'or du Festival de Cannes 2010. Tim Burton, président du jury, a préféré le film d'Apichatpong Weerasethakul au favori Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, qui a en outre remporté le Grand Prix du Festival.
Le réalisateur d'Oncle Boonmee parle de la thématique centrale de son film : la réincarnation: "Mes films précédents tournaient déjà autour de cette possibilité de la multiplication des strates temporelles et des vies, et l’idée de réincarnation était déjà présente. Cette fois, c’est, de manière évidente, inspiré d’un homme qui peut convoquer ses différentes existences, donc je pense que cela requiert différentes formes, ou formats."
Oncle Boonmee est l'adaptation d'un ouvrage titré A Man who can recall his past lives qui raconte l’histoire vraie de cet homme, Boonmee, qui était venu trouver un moine dans un temple du nord-est de la Thaïlande, et lui avait raconté que lorsqu’il entrait en méditation, il pouvait faire revenir ses existences passées. Il était né chasseur d’éléphant, était devenu un esprit errant après sa mort, puis était revenu, maintes fois réincarné. Il se trouve que le réalisateur du film a vécu non loin du temple en question.
Oncle Boonmee s'est tourné en pleine jungle de l'Isan, une région au nord-est de la Thaïlande.
"Il se trouve également que j’ai grandi avec un type de cinéma qui, comme le personnage de Boonmee, est en train de s’éteindre", explique le cinéaste Apichatpong Weerasethakul. "Oncle Boonmee est un hommage à là d’où je viens, et à un certain type de cinéma avec lequel j’ai grandi. Plus personne en Thaïlande ne fait désormais ce genre de cinéma, « à l’ancienne ». Je voulais donc conserver un équilibre entre l’abstraction de la mort et une forme de simplicité et de naïveté, une approche enfantine du cinéma."
Apichatpong Weerasethakul est allé piocher dans des contes du nord-est, où il est question d’animaux mystérieux vivant dans la jungle, et aussi dans plein de vieux comic books dans lesquels abondent les fantômes : "Il faut également considérer cette figure de l’humain hybride, engendré par un animal, et qui ne peut revenir dans un monde normal. Cela ne vient pas d’un film spécifique, mais je vous autorise à penser à La Belle et la bête de Jean Cocteau de Jean Cocteau, si vous le souhaitez".
Avant de décrocher la fameuse Palme d'or, Apichatpong Weerasethakul avait remporté d'autres récompenses au Festival de Cannes. Tout d'abord en 2002, où son Blissfully Yours remporte le Prix "Un Certain Regard". Puis en 2006 avec le Prix du Jury pour Tropical Malady.
Parlant de la réincarnation dans son film, Apichatpong Weerasethakul nous donne son avis sur la réincarnation par le cinéma : "La caméra est un outil pour capturer le passé et les fantômes qui vont avec. Et le cinéma tend à la préservation des âmes. Lorsque l’on voit des films du passé, les acteurs sont jeunes, et en même temps ils sont morts. Le film préserve leur esprit et le présente à une génération nouvelle de spectateurs qui assure leur survivance. Je ne sais pas si la réincarnation sera à l’avenir admise comme quelque chose appartenant au réel, et que la science reconnaîtra, mais ce processus de faire revenir certains souvenirs, c’est indéniablement comme le cinéma."