Interrogé sur le message qu'il souhaitait partager avec ce film, le réalisateur évoque une "parabole sur la nécessité de rester soi-même, malgré tous les obstacles qui nous entourent". Une remise en question des situations a priori figées qui peuvent nous bloquer, au profit d'une réflexion identitaire, plutôt que matérielle: "Voilà ce que je voudrais partager avec le spectateur : le bonheur d'être une pierre, de résister à tout."
Lors du tournage, toute l’équipe hormis les comédiens, arrive sur le plateau le seul story-board en main. Et chaque soir, tout le monde se retrouve pour établir le programme du lendemain tout en débriefant la journée passée. Les interprètes, non-professionels, n'y ont volontairement pas accès, entraînant du coup des délais de répétition exhaustifs, plus long que les périodes de tournages en elles-mêmes. D'après le réalisateur, "c’est comme une mécanique : les dialogues n’ont aucune importance, c’est le rythme qui compte.
L'une des exigences essentielles à la définition du cinéma d'Otar Iosseliani est l'absence, ou faible présence, de comédiens professionels dans ses tournages dans le but d'échapper aux clichés, aux tics des acteurs, obstacles à son désir d'authenticité. Après avoir pourtant tourné avec quelques amis au "pedigree" notable (Michel Piccoli, ainsi que Pierre Etaix et Bulle Ogier sur ce film), l'auteur géorgien privilégie néanmoins la "modestie" et la technique approximative du jeu d'un novice.
Plusieurs séquences nous présentent un monteur évoluant "à l'ancienne", issu d'une tradition précédent l'apparition de la table de montage et avec laquelle nombre de réalisateurs ont évolué (Sergei Mikhailovich Eisenstein, Vsevolod Poudovkine). Le réalisateur aussi a fait l'expérience de cette technique qui consiste à faire passer la pellicule en vitesse pour la voir en mouvement. S'il s'est adapté depuis à la technique, Otar Iosseliani n'est pour autant pas convaincu par les habitudes que les ordinateurs entraînent : "On fait des dizaines de versions, mais on n’a plus de temps pour réfléchir. Une coupe est une coupe, inutile de faire 150 versions."
La scène d'entrée se passe avec la projection d'un court-métrage de... Otar Iosseliani lui-même. Il s'agit en fait d'une "oeuvre de jeunesse", faite en 1959 et qui, de l'aveu même du réalisateur, n'avait été vue par personne...Voilà donc une deuxième carrière qui débute.
Il s'agit d'un mot russe issu du 19ème siècle et inspiré du français "chanteras pas". A une époque où l'aristocratie russe, francophone, avait fait du chant une activité essentielle à une éducation digne de ce nom. Par la suite, le mot est rentré dans le langage commun pour désigner une population d'exclus, coupables d'être "bon à rien" par leur qualité d'artistes et contraints à l'exil. Comme l'est le héros ici.
Otar Iosseliani qui se fait le chantre de l'amateurisme de l'interprétation, s'est retrouvé bien malgré lui face à ses exigences en remplaçant au pied-levé un acteur indisponible car...décédé.
Chantrapas a été présenté Hors Compétition en Séances spéciales au 63ème Festival de Cannes.