La Source des femmes a été présenté en compétition au Festival de Cannes 2011.
La Source des femmes est le cinquième long métrage de Radu Mihaileanu. Son précédent film, Le Concert, a ressemblé plus de 3 millions de Français dans les salles obscures.
Radu Mihaileanu revient sur la genèse du film : "Tout a commencé avec un fait divers qui s'est déroulé en Turquie en 2001. Suite à une série d'accidents, les femmes d'un village ont décidé de rompre la fatalité et d'entamer une grève de l'amour tant que les hommes ne raccordaient pas l'eau au village. Au départ, les hommes n'ont pas pris les femmes au sérieux, puis c’est devenu violent. Les femmes ont tenu bon. L'affaire a fini par être réglée par le gouvernement. De manière plus métaphorique, je me suis aussi replongé dans "Lysistrata" d'Aristophane, où une femme déclenche la grève de l'amour pour mettre fin à la guerre, face à l'indifférence des hommes", explique le metteur en scène.
En tant qu'homme juif et français, Radu Mihaileanu avait quelques réticences par rapport au fait de réaliser La Source des femmes. Il a alors cherché une réalisatrice d'origine arabe, mais n'ayant trouvé personne, il a fini par se laisser convaincre de réaliser le film lui-même.
La Source des femmes marque la rencontre de deux espoirs féminins : Leïla Bekhti, récompensée pour Tout ce qui brille et Hafsia Herzi, récompensée pour La Graine et le mulet.
En ce qui concerne la mise en scène, La Source des femmes est un film très différent de Concert, la précédente réalisation de Radu Mihaileanu : "D'entrée de jeu, je savais que ce film allait me bousculer après l'expérience du Concert dont la mise en scène était ample et se rapprochait d'une production américaine. J'ai donc utilisé une petite caméra, très légère, et j'ai tourné quasiment tout le film à la main", confie le réalisateur.
La Source des femmes est un savant mélange de rires et de larmes. Selon Radu Mihaileanu, il s'agit d'un "reflet de ma vie, et de la vie en général qui est tout sauf monochrome".
Radu Mihaileanu a écrit le rôle de Leila pour Leïla Bekhti qu'il avait vue dans Mauvaise foi de Roschdy Zem. Durant le tournage, l'actrice l'a marqué "par son talent, sa profondeur humaine, sa volonté, sa force de caractère".
Pour écrire le scénario du film, Radu Mihaileanu et Alain-Michel Blanc ont rencontré des spécialistes du monde arabe. Pour créer certains personnages, ils se sont inspirés des habitantes du village : "Dans la maison où j'habitais, il y avait un couple assez similaire au couple Leila/Sami : lui était guide pour les touristes et avait épousé par amour une femme extérieure au village, qui se faisait souvent appeler "l'étrangère", comme dans le film", raconte le réalisateur.
Bien que les femmes soient les héroïnes du film, Radu Mihaileanu n'avait pas pour intention de stigmatiser la gente masculine : "Ni Alain-Michel ni moi n'aimons écrire des personnages intégralement positifs ou négatifs. On se dit qu'ils sont tous le produit de plusieurs facteurs et qu'ils ont tous une subjectivité qui peut leur donner raison. Même le frère de Sami n'est pas une brute épaisse : on comprend qu'après avoir souffert d'un tel manque d'amour, il était logique qu'il devienne comme ça. Tout comme le fils du Vieux Fusil est devenu islamiste parce qu'il est victime de conditions économiques épouvantables et de la crainte de "perdre la face", incapable d’envoyer de l’argent à la famille", affirme-t-il.
La Source des femmes a été tourné en décors naturels. Seul le village a subi quelques modifications avec l'aval de ses habitants : "On a apporté quelques touches de couleurs patinées, comme les portails ou les fenêtres, en nous inspirant de la peinture des orientalistes et d'autres villages du monde arabo-musulman", explique Radu Mihaileanu.
Radu Mihaileanu évoque une métaphore arabe bien connue, qui est au cœur du film : "Dans certains chants arabes traditionnels, on dit que l'homme doit "arroser" la femme, comme si la femme était une fleur. Ou une terre fertile. Et les femmes demandent aux hommes de ne pas oublier de les arroser – autrement dit, de ne pas les négliger et de continuer à les regarder. Etant donné que l'homme n'apporte pas l'eau au village, il ne peut plus les arroser. La sécheresse qui frappe le village est donc une métaphore du cœur qui se tarit."
Hafsia Herzi est venue présenter deux films lors du Festival de Cannes 2011 : L' Apollonide - souvenirs de la maison close et La Source des femmes.
Radu Mihaileanu nous décrit le casting masculin du film : "J'avais vu Saleh Bakri dans La Visite de la fanfare, où il avait un rôle plus monochrome et linéaire. Mais il a à la fois cette douceur et cette faculté d'indignation propres au personnage de Sami. C'est un être humainement exceptionnel. Une autre rencontre merveilleuse a été celle de Mohamed Majd, qui avait joué dans Le Grand voyage d'Ismael Ferroukhi : c'est un immense acteur marocain, au visage magnifique, qui n'a même pas besoin de parler pour exprimer ses émotions, la caméra l’adore."
Pour rendre compte de la chaleur et de la sécheresse du pays, Radu Mihaileanu a tourné avec une lumière violente. Il a cherché à capter l'ocre de la terre, de la montagne et des maisons, ainsi que la couleur cuivrée des visages.
C'est Armand Amar qui s'est occupé de la musique du film : "Comme dans Va, vis et deviens, il a marié plusieurs tonalités musicales, du symphonique à des instruments traditionnels, comme l'oud, mélange de force et de nostalgie tragique, le doudouk, qu'il avait déjà utilisé, et le kamanché, violon iranien aux sonorités rugueuses qui me plaisent beaucoup. Il a aussi utilisé deux voix magnifiques de femmes arabes, comme un leitmotiv qui ponctue le film", déclare Radu Mihaileanu. Pour réaliser les séquences musicales, le réalisateur et le compositeur ont assisté à des fêtes, des mariages et des naissances, et ont visionné des documentaires sur ces chants et danses traditionnels.