Malgré une distribution loin d’être anecdotique, il semble que « Fear » est plus ou moins tombé dans l’oubli. La faute, sans doute, à une concurrence très forte, les années 90 nous ayant servi une ribambelle de thrillers similaires. A savoir une famille proprette, qui se lie avec un personnage bien sous tous rapports, avant que celui-ci ne révèle sa vraie nature de redoutable psychopathe qui va leur mener la vie dure. Ici c’est une lycéenne qui tombe amoureuse d’un jeune homme aux abdos d’acier, au grand dam du papa qui est le seul à voir la dangerosité du garçon. Chose intéressante, bien qu’au centre de l’histoire, la jeune fille n’est pas la protagoniste du récit. Au-delà du fait qu’elle est incarnée par une Reese Witherspoon étonnamment peu inspirée, et allègrement éclipsée par Amy Brenneman et Alyssa Milano, c’est son père (convaincant William Petersen) qui est le vrai personnage principal. C’est autour de lui que les questions du film tournent (Comment gérer sa fille adolescente quand elle est sincèrement amoureuse d’un type louche ? Comment apprendre à voir son enfant devenir adulte ?). Et c’est lui qui commettra, par maladresse, les principales erreurs conduisant au cheminement de l’intrigue. Face à lui, il est aujourd’hui surprenant de voir Mark Wahlberg, à peine sorti de sa période Marky Mark, en amant possessif et manipulateur. L’une des rares prestations de méchant de sa carrière, et on peut comprendre pourquoi ! Son sourire inquiétant fait son petit effet, mais l’acteur a du mal à aller au-delà du simple regard du beau brun ténébreux, alors que son personnage éprouve de sincères émotions et des pulsions violentes. Il n’en demeure pas moins que « Fear » est un thriller tout à fait efficace, qui évite les facilités scénaristiques (pour une fois dans ce genre de film, les personnages ne sont pas trop bêtes !). Il est aussi amusant d’y voir un message semi-conservateur. Le scénario vante les mérites de souder une famille aisée dans une demeure ultra-sécurisée, montre que les déviants sont partout, et que les pères devraient être fermes avec leur enfants. Mais il fait aussi de la promotion pour les capotes (rare dans un film américain !), pointe du doigt la difficulté pour les parents d’avoir à gérer un adolescent qui cherche plus de libertés, et
épargne la vie de la « meilleure amie débauchée », qui aurait été tuée dans un vrai scénario conservateur
. On notera enfin un dernier acte particulièrement réussi en terme de suspense, faisant suite à un film qui prend le temps de poser ses personnages et ses lieux. « Fear » ne se distingue donc peut-être pas tant que cela de la concurrence de l’époque, mais il est tout à fait recommandable.