Pour étudier la genèse de ce quatrième volet, il faut remonter à la fin de l'année 2009. Consécutivement à un appel d'offre lancé par les ayants droits de la célèbre BD, le dessinateur Albert Uderzo, Anne Goscinny - fille de René Goscinny, et la société Hachette, plusieurs producteurs se sont portés candidats pour donner une suite aux aventures des célèbres Gaulois, et pas des moindres... Parmi eux, Thomas Langmann, fort du succès du dernier volet, Astérix aux Jeux Olympiques (6,8 millions d'entrées), qui envisageait de livrer une adaptation de l'album "Le Tour des Gaules", paru en 1965, avec derrière la caméra Christophe Barratier et au scénario le tandem Nakache / Toledano, les futurs Intouchables. Autres postulants : Olivier Delbosc et Marc Missonnier de la firme Fidélité Films qui pouvaient s'enorgueillir du carton remporté en salles par Le Petit Nicolas (5,3 millions d'entrées) - film auquel Anne Goscinny avait collaboré en tant que scénariste. Ces derniers planchaient de leur côté sur un projet d'adaptation d'"Astérix chez les Bretons", album publié en 1966, avec l'idée d'en confier la réalisation à leur fidèle poulain Laurent Tirard. Et enfin, dernier challenger à entrer en course : Luc Besson. On l'aura compris, c'est Laurent Tirard et Fidélité Films qui ont finalement remporté la mise.
Laurent Tirard a l'habitude de flirter avec le patrimoine littéraire français ! Après avoir revisité l’œuvre de Molière dans sa comédie éponyme, et adapté à l'écran les péripéties enfantines du célèbre Petit Nicolas, c'est désormais à nos fameux Gaulois Astérix et Obélix que s'intéresse le cinéaste en signant le quatrième volet de leurs aventures, Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté. A ce sujet, le réalisateur déclare avoir accepté le challenge artistique tout en émettant quelques interrogations : "Je me demandais à quoi pourrait ressembler un Astérix fait par moi", a-t-il confié, curieux. C'est Anne Goscinny, la fille de René Goscinny, qui a choisi Laurent Tirard pour diriger le projet, après avoir été très satisfaite du travail qu'il avait fait sur Le Petit Nicolas.
Avant d'opter pour le titre final, Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté, la production a longuement hésité. Les titres "Astérix chez les Bretons" et "Astérix et Obélix : God Saves Britannia" furent un temps envisagés. En tous les cas, une chose est sûre : selon les producteurs Olivier Delbosc et Marc Missonnier, il ne s'agissait pas de reprendre la franchise et de s'inscrire dans la lignée des trois premiers films, mais plutôt d'en faire un "reboot".
Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté est en réalité une adaptation combinée de deux albums différents : "Astérix chez les Bretons" et "Astérix et les Normands", qui avaient auparavant été adaptés en dessin animé de façon séparée. C'est Laurent Tirard qui a jeté son dévolu sur ces deux albums, car il avait envie d'un "voyage, d'une odyssée" qui serait en adéquation avec sa fascination pour la Grande-Bretagne.
Si Laurent Tirard a voulu réserver une place importante à la question des civilisations dans cet opus, en mettant à l'honneur les Gaulois, les Bretons et les Normands, il a également établi un parallèle entre le désir de conquête des Romains de l'époque et celui des Américains d'aujourd'hui : "Les Romains nous faisaient penser aux Américains d’aujourd’hui, qui ont tendance à envahir certains pays "pour leur bien". Pour eux, tous les autres sont des barbares", déclare le cinéaste.
Si les relations de couple et le thème de la sexualité ont toujours intéressé Laurent Tirard, le cinéaste a tenu à apporter un peu de cette problématique dans Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté en montrant Astérix et Obélix comme un couple : "Nous avons pensé la relation Astérix-Obélix comme celle d’un couple. Un couple qui s’essouffle et qui se trouve bouleversé par l’arrivée d’un enfant (Goudurix)", explique-t-il. Les Gaulois, précurseurs en matière d'homoparentalité ? Le co-scénariste Grégoire Vigneron, en tout cas, exploite cette idée et va encore plus loin dans son argumentaire : "Il fallait qu’il leur arrive des choses à eux, je dirais presque "entre eux"". L'auteur poursuit en expliquant que le tandem Astérix/Obélix lui a été inspiré par les protagonistes des Souris et des hommes, George et Lennie.
Afin d'évoluer dans des conditions de travail optimales, Laurent Tirard s'est entouré d'acteurs avec qui il avait déjà collaboré (Edouard Baer, Fabrice Luchini et Valérie Lemercier) et a fait en sorte de passer du temps avec chacun d'entre eux. Selon lui, il est important pour un cinéaste d'être proche de ses acteurs. Il poursuit en ces termes : "J’ai une idée très précise de ce que je veux même si je reste ouvert aux propositions et à l’improvisation. J’aime laisser aux acteurs une marge de liberté car on n’est jamais à l’abri d’une bonne surprise !"
Edouard Baer, que le réalisateur Laurent Tirard connaît bien pour l'avoir dirigé dans Mensonges et trahisons et plus si affinités... (2004) et Molière (2007), a été choisi pour succéder à Christian Clavier et à Clovis Cornillac dans le rôle d'Astérix. Avant que son engagement ne soit acté, toute une série d'acteurs avait été approchée, parmi lesquels Franck Dubosc, Dany Boon et Kad Merad. Cependant, le cinéaste est au final très satisfait de son choix, qu'il justifie en ces termes : "Il nous fallait un Astérix très français. Ou plutôt, très proche de l’idée que se font les étrangers du Français (...). Il est plus sophistiqué, plus intellectuel et plus moderne. C’est en écrivant ce personnage que le visage d’Edouard Baer m’est apparu. Il est très français, très parisien même". Gérard Depardieu confirme cette idée en ajoutant : "J’aime son côté dandy, un peu arrogant, propre à l’image qu’on se fait du Français". Au final, Albert Uderzo et Anne Goscinny ont déclaré être très satisfaits du personnage !
Après avoir brièvement incarné le scribe Otis dans Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, Edouard Baer prend du galon puisqu'il revêt cette fois le costume du héros Astérix lui-même. On remarque d'ailleurs que le film Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté y fait allusion, puisqu'on peut voir lors d'une scène le comédien demander à un bourreau : "C'est une bonne situation, bourreau ?", clin d’œil évident au rôle de scribe qu'il avait lui-même tenu 10 ans auparavant !
Lorsqu'Edouard Baer parle de la façon dont il envisageait le personnage d'Astérix, il convoque des références pour le moins inattendues ! "J’avais en tête "Les copains" de Jules Romains, La Belle équipe de Duvivier, les films de Carné ou de Raymond Bussières avec des gars francs du collier, des petits Français un peu bagarreurs, un peu de mauvaise foi qui n’aiment rien tant qu’être avec leurs copains. C’est comme ça que je voyais Astérix", conclut-il.
Si Gérard Depardieu a accepté d'endosser le costume d'Obélix pour la quatrième fois, ce n'est sûrement pas le fruit du hasard : comme notre célèbre Gaulois, le comédien déclare avoir une grande passion pour le sanglier ! "C’est très bon le sanglier ! Mais je le préfère en sauce plutôt que rôti. La gibelotte de marcassin, c’est exquis !", s'en amuse-t-il. De plus, l'acteur partage la même démesure que son personnage. Selon lui, Obélix se définit par son excès : "Tout est trop. Ce n’est pas raisonnable mais c’est beau", déclare-t-il, avant d'enchaîner sur les similitudes qui l'unissent à ce tendre Gaulois : "Mon excès de vie est d’ailleurs peut-être parfois un peu décourageant pour les gens qui vivent autour de moi…", admet-il. L'analogie est telle entre Depardieu et Obélix qu'Albert Uderzo lui-même s'en émerveille : "Lorsque j’ai vu Gérard dans les braies de notre Obélix, cela m’est apparu comme une évidence. Il ne pourrait y avoir d’autres comédiens que lui pour incarner ce personnage."
Toujours aussi naturel et fidèle à sa réputation pour camper Obélix, Gérard Depardieu envisage son métier d'acteur avec une grande simplicité : "Quand je suis dans le champ, il n’y a plus rien d’intellectuel", déclare-t-il !
Si le film est censé se dérouler en Angleterre (anciennement appelée Bretagne), tous les acteurs principaux sont bel et bien Français. En effet, comme le confient les producteurs : "A l’origine, nous voulions prendre des acteurs britanniques pour interpréter Jolitorax, Miss Macintosh et Ophélia. Mais on s’est aperçu au casting qu’avec des accents trop prononcés, ça ne marchait pas". Leur choix s'est donc porté sur des acteurs francophones. Cependant, le sociétaire de la comédie française Guillaume Gallienne n'a eu aucun mal à prendre l'accent anglais, puisque le comédien a passé plusieurs années au Royaume-Uni étant jeune, et a reçu une éducation bilingue, ce qu'il reproduit d'ailleurs avec ses enfants. Laurent Tirard confirme le talent de son acteur en ces termes : "Guillaume Gallienne, les accents, c’est son truc". Qui a dit que les Français étaient mauvais en langues ?
Le scénariste Grégoire Vigneron admet avoir plus ou moins écrit le rôle de Jules César en ayant Fabrice Luchini en tête, raison pour laquelle il a construit son personnage comme un petit tyran capricieux et enfantin : "[Fabrice] a influencé notre César, qu’on a imaginé plus proche de Néron, en tout cas de l’image qu’on s’en fait : un king-baby. J’avoue que sa façon de dire certaines de nos phrases me procure une intense satisfaction", s'enthousiasme-t-il.
Si le personnage du jeune Goudurix, interprété par Vincent Lacoste, existait bel et bien dans l’œuvre d'Uderzo et de Goscinny, il incarnait alors l'archétype du jeune des années 1960. Il a donc fallu remettre le personnage au goût du jour afin qu'il représente davantage la jeunesse d'aujourd'hui.
Même si Gérard Depardieu a apprécié son séjour irlandais, on ne peut pas en dire autant d'Edouard Baer, qui en garde un souvenir mitigé : "J’ai eu un peu de mal en Irlande. Pendant trois mois nous avons supporté le mauvais temps, un vent épouvantable et il fallait toujours se dépêcher pour passer entre les gouttes de pluie", se rappelle-t-il, amer. Le reste du tournage s'est déroulé entre Malte et la Hongrie.
Sur l'une des affiches promotionnelles du film, on peut voir la troupe des joyeux Gaulois traverser une sorte de passage clouté sur fond d'ambiance londonienne, puisque l'on aperçoit Big Ben au second plan et qu'Obélix porte un tonneau aux couleurs de l'Union Jack ! Mise en scène qui rappelle bien évidement la pochette du célèbre album des Beatles, Abbey Road. En dehors de ce clin d’œil au groupe mythique, le rock est largement mis à l'honneur dans cet opus d'Astérix, qui met en exergue un morceau des Ramones et qui propose de faire découvrir Londinium à la manière d'un clip, le tout sur le son du groupe de rock français, les BB Brunes.
Même si Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté est une production française, on peut y relever certains clins d’œil au cinéma américain. Ainsi, dans la bande-annonce du film, on peut remarquer un plan qui reprend à l'identique l'une des scènes clés du néo-péplum 300, montrant des centurions tomber par centaines du haut d'une falaise. Cette hybridité s'explique par la volonté de Laurent Tirard de ne pas se limiter à un seul registre : "Le mélange des genres n’était pas évident, mais j’y tenais", affirme-t-il.
Ce quatrième opus de la saga cinématographique sera diffusé en 3D dans les salles équipées, ce qui a posé quelques problèmes à Laurent Tirard, qui a dû s'adapter aux désirs de la production et de la distribution. Il a ainsi abordé sa mise en scène différemment et, malgré ses réticences premières, il est finalement parvenu à trouver des avantages à ce nouveau procédé : "La 3D permet d’immerger le spectateur dans un monde fictif et, d’une certaine façon, de rentrer dans la BD ; deuxièmement, elle renforce la présence des acteurs et donc des personnages", reconnaît-il.
C'est durant le tournage marathon de ce film que Gérard Depardieu se distingua par sa petite mésaventure urinaire survenue le 16 août 2011 sur un vol Paris-Dublin. Histoire de tourner en dérision cet exploit peu glorieux, le comédien s'est auto-parodié en Obélix pris d'une envie pressante de sanglier au décollage d'un avion dans une vidéo postée sur le compte Twitter d'Edouard Baer, déguisé pour l'occasion en Astérix.
Edouard Baer et Vincent Lacoste se sont rencontrés sur le tournage d'Astérix et Obélix: Au service de sa Majesté et ont continué à travailler ensemble par la suite, puisque le jeune "Beau gosse" a rejoint la troupe déjantée de son aîné pour les besoins de son dernier spectacle, A la française.