Ilan Klipper et Virgil Vernier expliquent : "Nous venions de tourner un premier film dans une école de police, dans laquelle mille jeunes à peine sortis de l’adolescence sont formés chaque année. A la fin des neuf mois d’enseignement théorique, les élèves partent pour un stage de trois mois en commissariat. Nous sommes partis avec eux".
Les réalisateurs expliquent : "Nous voulions approcher le milieu de la police sans fantasme politique, sans idéologie, en distinguant la parole de l’institution et celle des individus. Nous voulions montrer, derrière la raideur de la posture policière, ce qu’il y a de mystérieux ou de touchant chez certains flics".
L'équipe a été réduite au minimum pour le reportage : seuls les deux réalisateurs étaient sur place afin de ne pas gêner le travail des policiers : "Pendant les trois mois du tournage, il a fallu parfois se battre pour pouvoir filmer des auditions, suivre les gens dans le fourgon. Beaucoup de temps et d’énergie ont consisté à convaincre les gens de se laisser filmer, leur expliquer nos intentions", précisent néanmoins les réalisateurs.
Le parti-pris de la réalisation était de tourner le documentaire comme un film de fiction : "Visuellement, l’idée était de faire un film qui soit une succession de plans séquences : nous voulions réduire au maximum la part de manipulation du montage. Il s’agissait de ne pas détourner ni instrumentaliser la parole des gens filmés. Ensuite nous avons choisi de tourner en plan fixe ce qui permettait de souligner le côté carcéral des lieux et d’épouser la rigidité des postures policières. Nous avons tourné en cherchant pour chaque séquence un axe qui permette de montrer le face-à-face dans un seul cadre, sans avoir à passer par du montage ou du champ/contre champ. Parfois c’est simplement le son, hors-champ, qui établi un dialogue avec la personne filmée".
Un bon documentaire, c'est avant tout de bons intervenants, comme le soulignent les réalisateurs : "Devant la caméra, ils ont gardé une spontanéité, une franchise, une expression singulière. Patrick James - l’officier que l’on voit auditionner plusieurs personnes -, est fascinant. Avec son charisme et son argot de flic, on dirait un acteur de fiction sorti d’un mauvais polar des années 80".
Le documentaire tend à montrer qu'un commissariat est aussi un lieu de parole. Ilan Klipper et Virgil Vernier racontent : "Le commissariat peut devenir un lieu où l’on vient demander conseil ; parfois on croirait même assister à une confession. Comme dans un village, les flics ont vu grandir et évoluer certains habitués qu’ils écoutent avec plus de bienveillance qu’ils ne le feraient face à des inconnus. (...) Ce que l’on a vu surgir, dans ces moments de parole, ce sont des personnes qui ont presque toutes en commun d’être des individus blessés par leur passé, meurtris par leur solitude et surtout incroyablement en manque d’amour".
Les réalisateurs reviennent sur leur expérience du rapport civil/ policier sur le terrain : "Entre les citoyens et les flics, ce sont deux mondes qui s’affrontent, et en même temps qui se ressemblent beaucoup. Les flics viennent la plupart du temps d’un milieu modeste et ils sont confrontés aux mêmes problèmes que ceux qu’ils traitent. Ils vivent dans le même monde que les gens qu’ils sont amenés à côtoyer au commissariat, ils parlent la même langue, ils semblent aussi perdus. Comme des frères ennemis, parfois ils se soutiennent et parfois ils se font la guerre. Mais l’orgueil du flic est celui d’appartenir au « bon côté » de la société."
Le tournage du film a duré trois mois.
Le tournage s'est déroulé au commissariat d’Elbeuf, non loin de Rouen.