Si Franz Florez ressemble tout à fait à un aventurier à la croisée d'un Indiana Jones et d'un Crocodile Dundee, il est en réalité diplômé en Médecine Vétérinaire et Zootechnique à l’université d’Ibagué. Il dut par ailleurs, pour assurer ses études à l'université de Tolima où il a obtenu un diplôme international en Médecine Animaux Sauvages, dormir pendant son cursus dans une remise du campus. Il possède enfin une maîtrise de Sciences Biologiques.
Le film se fit avec peu de moyens et une équipe technique réduite en la personne d'Eric Flandin. Ce réalisateur, homme de terrain avant tout, avait accompagné Franz Florez dans une courte expédition afin de trouver un serpent dont le venin pouvait être utile en médecine avant d'avoir l'idée, dans la foulée, de réaliser un film sur son incroyable épopée. Les trois mois de tournage se sont déroulés au gré des terrains et des rencontres, devant sans cesse s'adapter aux situations parfois dangereuses de la jungle colombienne. Il a fallu traverser plusieurs zones à risque, contrôlées par la guérilla ou l'armée nationale et le vieux bus, à la fin du film, est réellement tombé en panne, transformant le road movie en calvacade à dos de mulet.
La surprise et l'attrait des serpents sur les personnes rencontrées dans le film sont telles que, lors d'un barrage routier, les militaires qui ont arrêté le véhicule n'ont pas remarqué la caméra fixée au siège de Franz Florez. Les serpents ont ainsi plusieurs fois servis de passeport au bus bringuebalant.
Aux dires du réalisateur Eric Flandin, le personnage qu'est Franz Florez se rapproche étonnamment de celui du roman Les Racines du ciel de Romain Gary, où le héros part pour l'Afrique un fusil et un paquet de prospectus sous le bras pour faire cesser l'extermination des éléphants. Flandin réfute par ailleurs tout rapprochement entre son équipée avec Florez et celle de Don Quichotte avec Sancho Panza. Dans une interview, il précise que le combat du héros de Cervantès est "contre des chimères, il se battait contre des ennemis invisibles. J’ose espérer que le combat pour l’environnement n’est pas une illusion". On peut enfin remarquer l'inspiration qu'il dit tirer du roman de Gabriel Garcia Marquez, Cent ans de solitude, dont le "réalisme magique" a fait connaître l'écrivain colombien à travers le monde.
Dès la première projection du film, dans le cadre du FIFE (Festival International du Film d'Environnement) à Paris, L'Homme aux serpents reçoit le prix du Meilleur Film. Tout s'enchaîne très vite par la suite puisqu'il reçoit dans la même année (2013) six prix différents à travers le monde. Ce sont, notamment, le Grand Prix du festival international Cinéma Planeta au Mexique, celui du festival international de l'environnement et du développement durable en Argentine, mais aussi des récompenses à Montréal, Turin, en Suisse et aux Etats-Unis. Le film de Flandin est devenu le nouveau laisser-passer de Florez dans son pays, à l'instar de ses serpents. Il est d'ailleurs prévu, outre sa sortie mondiale en salles, qu'il soit projeté dans les pays francophones dans les collèges, lycées, muséums d'histoire naturelles et associations diverses tant son pouvoir de sensibilisation du public a été reconnu.
Bien que tout ce qui se passe à l'écran soit réel, les séquences n'étant ni préparées ni répétées à l'avance, aucun dialogue n'étant écrit pour les intervenants, L'Homme aux serpents ressemble à une fiction. Sans commentaire off, le film pénètre dans des lieux si reculés, inconnus des caméras, que les personnages rencontrés n'en apparaissent que plus originaux et magiques. Eric Flandin compare Franz Florez à un véritable paladin comme on en trouve dans les récits fictionnels : "Le héros, un vrai celui-là, part sauver la forêt au coeur d’une guerre, s’embarque dans un carrosse déglingué (le bus), [qui] fourmille d’animaux étranges qui vont l’aider sur son chemin". Sans intrigue tissée, le long-métrage se construit dans une ligne narrative classique, le réalisateur trouvant même à son courageux personnage un dénouement et un message final dignes des plus grands récits d'aventures, mais réel cette fois-ci.
TS Productions, principal producteur de L'Homme aux serpents, n'est pas habituée à financer des documentaires. Elle est par contre souvent engagée dans des films de fiction à plus ou moins fortes résonnances politiques, tels que Incendies, de Denis Villeneuve, Une bouteille à la mer, de Thierry Binisti, ou encore Ordinary People, de Vladimir Perisic. Tous reviennent sur les impacts psychologiques et sociologiques de la guerre, mais L'Homme aux serpents est leur premier long-métrage qui se penche sur le sujet de la préservation de la nature dans un contexte de conflit.
Le film a non seulement fait connaître les travaux de Franz Florez et l'urgence de la situation (la Colombie réunit 10% de la biodiversité mondiale selon l’estimation de la Communauté Européenne) au public mondial, mais a également permis à sa "Fondation Nativa", pour la sauvegarde du tapir, de faire rayonner ses activités jusqu'aux ONG et auprès de personnalités qui pourraient participer à sa reconnaissance. De plus, La guérilla des FARC est entrée depuis peu en négociations de paix avec le gouvernement colombien à Cuba et la question de la préservation de cet immense réservoir naturel fait désormais partie du débat. En effet, une partie des terres a déjà été achetée par des multinationales qui n'attendent que le départ des FARC pour déboiser la forêt. En outre, ces régions encore protégées ont un sol riche en or, uranium et autres métaux précieux qui risquent d'amener à leur rapide destruction par les prospecteurs nationaux et étrangers. La guérilla souhaiterait quant à elle que le territoire revienne aux paysans qui seraient libres d'en disposer.
L'Homme aux serpents fit certainement connaître les activités de Florez, mais il est tellement présent en Colombie en tant que militant pour la sauvegarde des espèces qu'il était déjà question en 2011 de réaliser un film sur le Bioparc de Santa Barbara qu'il montait dans le cadre de sa Fondation Nativa. Senso Films devait en être le producteur mais nous sommes malheureusement sans nouvelles de ce documentaire, court ou long-métrage. Concernant Eric Flandin, ce baroudeur a énormément écrit pour différents journaux et pour son compte avant de progressivement passer à la caméra pour ses reportages. Il a sorti en 2006 un court-métrage, Wild Man, diffusé sur Canal +. Cependant L'Homme aux serpents est sa première réalisation longue, mais il est en ce moment prêt à se lancer dans un nouveau long-métrage sur l'Afrique de l'ouest.