Don Giovanni, naissance d'un opéra : les secrets du tournage

Le film le plus connu sur Don Giovanni est sans doute celui réalisé par le metteur en scène américain Joseph Losey (Le Messager, etc.) en 1979, intitulé Don Giovanni.

Patrick Revol, Maître de conférence en musicologie à l'Université de Grenoble, explique que Don Giovanni est un dramma giocoso, un "drame joyeux" mêlant le genre tragique et frivole.

Carlos Saura tenait absolument à ce que les chants ne soient pas doublés. La difficulté centrale provenait donc du fait que les vrais chanteurs que l'on voit à l'écran, devaient également jouer dans des scènes non musicales. C'est dans cette optique que le metteur en scène a choisi, au moment du casting, des chanteurs confirmés, mais qui allaient également être capables d'interpréter un personnage.

Afin de reproduire, de la manière la plus authentique possible, le son de l'orchestre et des voix de l'opéra Don Giovanni de la fin du 18ème siècle, la coordinatrice musicale Nicola Tescari a consulté un grand nombre d'ouvrages spécialisés sur le sujet, dont les mémoires de Wolfgang Amadeus Mozart et de Lorenzo Da Ponte. A ce travail de recherche s'ajoute également la sollicitation de quelques musiciens et musicologues engagés comme conseillers, tels Marco Postinghel, Giovanni Antonini et Lorenzo Della Cha.

Le film a été tourné en Espagne et dans les studios de Laurentis à Rome.

Excepté les deux rôles principaux, tenus par Lorenzo Balducci et Lino Guanciale, la majorité des acteurs du film sont peu connus.

Le réalisateur espagnol Carlos Saura est un habitué des films centrés sur des sujets se rattachant à la musique, à la danse ou à la scène, tels Noces de sang en 1980, Carmen en 1983, El Amor Brujo en 1986 ou Flamenco en 1995.

A noter que le directeur de la photographie Vittorio Storaro avait collaboré avec plusieurs metteurs en scène incontournables sur des films qui ne le sont pas moins, comme Francis Ford Coppola sur Apocalypse Now en 1980, Warren Beatty sur Reds en 1982 et Bernardo Bertolucci sur Le Dernier empereur en 1988. Ces trois films lui ont valu trois Oscars pour la meilleure photographie.

Le réalisateur Carlos Saura retrouve, dans Don Giovanni, naissance d'un opéra, le directeur de la photographie Vittorio Storaro, avec qui il a déjà travaillé sur cinq films. Le metteur en scène revient sur cette collaboration : "Il aurait été impossible de réaliser ce Don Giovanni, Naissance d’un Opera sans Vittorio Storaro. (...) travailler avec lui est stimulant et enrichissant - je ne sais pas si travailler est le mot exact - il serait peut-être préférable de dire que, par les miracles du destin, notre collaboration et amitié nous ont rapprochés comme des frères", explique-t-il.

Né en 1749, Lorenzo Da Ponte, auteur du livret qui donna lieu à l'opéra Don Giovanni, a connu une existence à la fois longue (il est mort à 90 ans !) et mouvementée. Il est d'abord nommé prêtre à Venise mais, critiquant la corruption de l'Eglise par le biais de pamphlets et menant une vie de libertin aux côtés de son ami Casanova, il est expulsé par la Sainte Inquisition et condamné à 15 ans d'exil. Il se réfugie donc à Vienne où, sous la protection l'Empereur Joseph II, il collabore sur plusieurs opéras, dont Les Noces de Figaro et Don Giovanni aux côtés de Wolfgang Amadeus Mozart. A la mort de l'Empereur, il part pour Prague puis Londres où il enseigne l'opéra italien. Da Ponte émigre ensuite aux Etats-Unis (pour échapper à ses créanciers !), se lance dans le commerce (tabac, épicerie, etc.) et devient professeur de littérature dans une célèbre université de New York. Il organise même, en 1826, la première de Don Giovanni à New York. Hormis ces nombreuses péripéties, Lorenzo Da Ponte a grandement contribué à introduire l'opéra italien en Amérique.

Plutôt que de réaliser un film sur la vie (beaucoup trop dense !) de Lorenzo Da Ponte, le metteur en scène Carlos Saura a choisi de centrer son film autour de la création de l'opéra Don Giovanni, faisant ainsi la part belle aux relations entre trois figures emblématiques du milieu artistique de l'époque des Lumières : Wolfgang Amadeus Mozart, Giacomo Casanova et Lorenzo Da Ponte.