Javier Rebollo est un cinéaste de nationalité espagnole. Avant de se lancer dans le long métrage de fiction, il a longtemps été assistant-réalisateur. Il a aussi tourné des documentaires pour la télévision ainsi que de nombreux courts. En 2006, il dirige son premier film en format long. Intitulée Ce que je sais de Lola, cette œuvre se fait remarquer au point d'être nommée aux Goya (les Césars espagnols) dans la catégorie Meilleur Premier Film. La Mujer Sin Piano est son deuxième long métrage.
Le personnage principal du film souffre d'acouphènes. Il s'agit de sifflements ultra-aigus qui se font entendre en permanence dans l'oreille interne. Du même coup, l'ensemble des bruits environnants, le moindre froissement, le moindre claquement de porte s'en trouvent radicalement amplifiés. A terme, les acouphènes perturbent complètement l'audition et nuisent à la vie quotidienne de toute personne qui en est atteinte.
Si Javier Rebollo a choisi les acouphènes comme thème central de La Mujer Sin Piano, c'est parce que le cinéaste souffre lui-même de ce problème auditif : "Les bruits de la vie quotidienne, organisées en film, créent une musique, mais depuis maintenant trente et un ans, pour moi, le silence n'existe pas. Ce que je n'ai pu résoudre dans ma vie, je tente de le sublimer grâce au cinéma."
Javier Rebollo affirme que le projet du film tient en grande partie au lourd handicap auditif qu'il doit assumer. Mais la genèse de La Mujer Sin Piano est aussi liée à une situation énigmatique qui lui est survenue : "Au matin, je sortais d'une gare routière quand je croisai une femme tenant une valise et un petit sac. Cette image, et ce son, celui d'une femme marchant au milieu de l'asphalte, ses talons résonnant dans le silence d'une nuit de semaine, renferment un mystère. Ecrire et tourner ce film, c'est essayer de le percer, de le révéler, quelque chose qu'on ne réussit presque jamais." La quête du silence comme source d'inspiration, en somme...
Afin de trouver des producteurs susceptibles de financer le film, Javier Rebollo a rédigé un scénario de quatre-vingt dix pages. Une fois les fonds obtenus, il a réécrit entièrement le texte et s'est rabattu sur un scénario de cinquante-huit pages. Le cinéaste explique qu'à chaque tournage, il contredit le scénario, et qu'au moment du montage, il va à l'encontre du tournage... Il justifie cette méthode du fait qu'au moment du tournage et du montage, des éléments complètement improvisés et une part de hasard surgissent par eux-mêmes : "Jean Renoir disait que les grands chefs travaillent sans livre de cuisine, mais avec leur instinct."
Javier Rebollo ne fait jamais répéter à proprement parler ses acteurs. Il préfère leur parler des personnages et des émotions, leur donner des indications de jeu sans jamais recourir au texte, et leur proposer des livres à lire ou des films à voir. De son propre aveu, il essaye d'aller de l'extérieur de l'acteur vers l'intérieur. Quand il faut utiliser le scénario pour préparer le tournage, Rebollo demande à ses acteurs de lire non pas leurs répliques mais celle de leurs interlocuteurs. Il retarde ainsi le moment où les dialogues seront définitifs.
Javier Rebollo n'aime pas multiplier les prises pour une même scène. L'idée de commodité ne lui sied point, lui qui souhaite que le hasard prenne une place prépondérante sur le tournage. Un tournage économe, donc, mais suivi d'un travail de montage très fourni pour corriger les défauts des prises.
Dans son approche esthétique, Javier Rebollo a surtout cherché à se focaliser sur le modelage des corps des acteurs. Il s'affirme comme sculpteur ou chirurgien qui manipule le corps de ses comédiens, pour créer des compositions spécifiques, chacune étant radicale et surtout opposée aux autres.
Javier Rebollo a posé sa caméra non pas en fonction du point de vue qui lui était offert mais par rapport au point d'écoute. Les micros sont ensuite placés de façon à correspondre, en termes sonores, au cadre visuel du plan : micro-cravates pour les acteurs dans le champ et micro d'ambiance pour capter l'environnement.
La Mujer Sin Piano a été gratifié de la Violette d'Or du Meilleur Film au Festival Cinespana à Toulouse et du Concha de Plata pour le Meilleur Réalisateur au Festival hispano-américain de San Sebastian.