7 jours avant l’an 2000. Une mystérieuse épidémie sévit à Taïwan, des zones sont mises en quarantaine et une voix à la radio annonce que l’eau courante sera coupée le 1er janvier, afin de faire partir les derniers récalcitrants. L’un d’eux, un jeune homme tenant une petite épicerie sans clients, a une fuite d’eau dans son plancher. Le plombier, afin de faire la réparation, creuse alors un trou dans le béton, trou qui communique avec l’appartement du dessous, habité par une jeune femme. Ce trou va permettre aux 2 voisins de se rendre compte de leur existence réciproque et va créer chez eux le désir croissant de se voir. A partir de ce scénario, Tsaï Ming-Liang propose une œuvre éminemment sociale, vaste métaphore de notre société moderne, société de l’individualisme à l’extrême. En se projetant dans un futur qui est déjà là, et dans lequel les hommes ne communiquent plus entre eux, s’ignorent mutuellement, s’enfermant dans une solitude étouffante, en fantasmant leur relation amoureuse par téléphone, le cinéaste révèle sa vision profondément pessimiste de l’avenir de notre société. La maladie du film devient ainsi une métaphore kafkaïenne du mal-être qui en découle, en insectisant les hommes qui développent un comportement de cafard. Mais le cinéaste montre que cette dérive de la société est anti humaine, en illustrant en contrepoint les aspirations véritables de ses personnages, révélant sa grande foi en l’humain. La présence du trou réveille le désir de communiquer et de lutter contre la solitude, en même temps qu’elle est une résurrection du sentiment de solidarité (magnifique plan final). De même pour les extraits de comédie musicale, que l’on peut voir comme une plongée dans l’inconscient des personnages, un inconscient qui n’aspire qu’à l’amour. "The Hole" est donc un film au propos très intéressant, mais peut-être un peu trop appuyé. Esthétiquement, le cinéma de Liang, en perdant en épure, y perd un peu de sa magie et de sa poésie. Très bon néanmoins.