Pas facile de dire du mal d'un film de Lubitsch depuis que Truffaut a écrit : "Dans le gruyère Lubitsch, même les trous sont géniaux". Moins connu que "Ninotchka" ou "To be or not to be", "La folle ingénue" qui ressortait la semaine dernière au Desperado m'a pourtant semblé bien lisse.
Jennifer Jones y campe une jeune fille émancipée, experte en plomberie et n’adorant rien tant que tripoter des tuyaux (-s’agirait-il par hasard d’un sous-entendu graveleux ?).
L’acteur français Charles Boyer, qui s’était réfugié à Hollywood pendant la guerre, a un accent à couper au couteau et est censé incarner un professeur tchèque, même si son patronyme est polonais.
L’action se passe à Londres en 1938 ; mais le sujet de l’approche de la guerre est vite occulté au profit de celui, plus convenu, de la remise en cause des convenances, sociales ou sexuelles. L'héroïne libère des canalisations obstruées comme elle fait exploser les conventions : celles de l'aristocratie, à la ville comme à la campagne, celles de la bourgeoisie (son pharmacien amoureux et ridicule est d'un comique achevé), celles mêmes de la domesticité.
Comme toujours chez Lubitsch, l'héroïne est piquante, les dialogues sont brillants, les seconds rôles aux petits oignons. Pourtant, face à tant de perfection, je n'ai pu réprimer un bâillement d'ennui.