En 1880, le général Lew Wallace, héros de la guerre de Sécession et homme d' 'Etat, écrivit "Ben-Hur, a tale of the Christ". Le roman connut un énorme succès dans cette Amérique puritaine et fut adapté au théâtre et à l'écran en 1926 dans une version très honorable qui sera amplement dépassée 33 ans plus tard par celle de William Wyler, en Technicolor et Panavision, utilisant toutes les ressources de l'écran large grâce à la plus grande focale de l'époque, le 65 mm. Le budget fut colossal (15 millions de dollars de l'époque), donc comment à partir d'une histoire universelle cette version de Ben-Hur est-elle devenue aussi mythique ? Plusieurs raisons à cela. Avant tout, c'est son côté grandiose, le gigantisme de la production, la MGM ayant la réputation des films historiques très soignés dans toutes les étapes de la production : il a fallu 10 ans de préparation, 100 000 figurants (dont 25000 rien que pour la course de chars), 4 mois de répétitions, 14 mois de tournage (dont 3 pour la seule course de chars), une bataille navale époustouflante pour l'époque, avec de vraies galères filmées dans un lac artificiel, et au final c'est 11 Oscars récoltés, du jamais vu, record qui ne sera pas égalé avant Titanic en 1997. Excellent directeur d'acteurs, William Wyler sut donner non seulement des moments d'anthologie grâce à d'excellents réalisateurs de seconde équipe, mais aussi combler les "creux" si l'on peut dire par des scènes intériorisées de toute beauté, notamment les épisodes religieux qui ont été traités avec délicatesse. Car au-dela de son étiquette de super péplum, Ben-Hur n'a rien d'une imagerie ; Wyler a traité avec un véritable sérieux un sujet trop connu pour être modifié, il a donné aux personnages une dimension psychologique et humaine grâce à laquelle ils existent dans leur contexte historico-biblique. Contre toute attente, cette partie intimiste et plus intériorisée ne ralentit pas le rythme du film qui malgré ses 3h30 ne lasse pas, tout est parfaitement dosé. On trouve aussi dans ce tableau correct de la civilisation romaine basée sur l'esclavage et l'oppression (incarnée par le l'arrogant Messala) un hymne à la liberté et un acte de foi ; l'itinéraire de Judas Ben-Hur croise en effet le Christ dès sa condamnation aux galères et s'achève après la crucifixion de ce dernier. Toute cette gamme d'émotions et les scènes d'action sont soutenues de façon magistrale par la musique symphonique sensationnelle du grand Miklos Rosza ; le maître hongrois se surpasse dans ce qui reste probablement comme sa plus fabuleuse partition emplie d'un déploiement de cuivres et de cordes propres à son style, notamment avec la parade précédant la course de chars, les différentes marches viriles (trompettes retentissantes), ou lorsqu'il choisit le lyrisme des choeurs et des violons plaintifs dans les scènes christiques. Sans la musique, il est clair que le film perdrait un atout majeur ; seule la course de chars est dépourvue de musique, la scène se suffisant à elle-même par son intensité décuplée par une bande son amplifiée. Cette séquence faisant partie de la mythologie du cinéma ne dure pourtant que 11 minutes (un peu plus si on compte la parade), elle nécessita une énorme préparation et fut réalisée par Andrew Marton (spécialiste des scènes d'action, on lui doit les scènes de débarquement du Jour le plus long) et par le chef cascadeur Yakima Canutt ; son impact est grand dans le film puisque cette scène constitue le clou tant attendu, elle fut tournée dans une véritable arène reconstituée à Cinecitta, avec 18 chars munis de freins hydrauliques et des plans saisissants de caméras qui lui ont donné une telle dimension que ce fut un exploit en 1959 par sa perfection technique. Il faut enfin souligner la qualité de l'interprétation qui contribue aussi à la réussite du film et à l'émotion que l'on ressent, que ce soit le duo antagoniste Charlton Heston-Stephen Boyd ou le reste du casting avec le savoureux Hugh Griffith en cheik Ildérim, ou encore Cathy O'Donnell et Jack Hawkins... Voici donc du grand spectacle à l'état pur, un film merveilleux, grandiose et légendaire que les années n'altèrent pas, un immense classique qu'il faut avoir vu au moins une fois dans sa vie de cinéphile.