Le premier long-métrage de Jim Jarmusch, malgré son côté foutraque, annonce le style et les thématiques développés dans les prochains films du cinéaste. "Permanent Vacation" met en scène un personnage décalé, inadapté à un monde oppressant et contraint de se réfugier dans des pages de Lautréamont et de penser à quitter une ville qui ne lui ressemble pas. L'ouverture représente d'ailleurs très bien ce contraste entre des rues surpeuplées et d'autres vides, soit la différence entre un espace investi par la société et un autre plus marginal, celui qui correspondrait au "héros" et qui est d'ailleurs le terrain des rencontres que ce dernier fait (une femme démaquillée en train de chanter sur des escaliers, un saxophoniste solitaire qui joue quelques notes au milieu de la nuit). Ces rencontres, qui soulignent l'inadaptabilité du jeune homme en même temps qu'elles motivent sa décision finale, sont profondément inégales et possèdent assez peu d'intérêt en soi. Elles n'ont de véritable valeur que dans la mesure où elles s'inscrivent dans un rythme languissant (marque de Jarmusch), qui s'étale autant sur la durée globale du film que sur des situations particulières, un effet qui doit à l'étirement général des séquences, souvent filmées en plan fixe. Le film manque incontestablement de rigueur, en particulier dans l'écriture, mais possède néanmoins un certain charme et crée de façon très singulière un drame tout en le désamorçant par une nonchalance heureuse, qui échappe à la mélancolie, un procédé qui bouleversera quelques années plus tard avec un chef d'oeuvre du cinéaste, "Stranger than Paradise".