Je voudrais que quelqu'un m'attende quelque part est adapté d'un recueil comprenant douze nouvelles écrites par Anna Gavalda. Le metteur en scène Arnaud Viard se rappelle du moment où il a découvert cette oeuvre : "Tout a commencé lorsque j’ai acheté – à cause de son titre, si séduisant – le premier livre d’Anna Gavalda. C’était l’été 1999, j’avais tellement aimé ses nouvelles que je lui avais écrit une lettre. Elle m’avait d’ailleurs répondu sur une carte postale que j’ai gardée. Notre correspondance s’est arrêtée là. Quelques années plus tard, j’ai rencontré Anna Gavalda, qui avait vu et aimé mon premier film Clara et moi. J’ai relu ses nouvelles, et émis le souhait d’en faire un film. J’ai alors déjeuné avec son éditeur et commencé à écrire le scénario. Nous étions en 2010."
L’écriture a duré un an et lorsque Arnaud Viard a essayé de monter le film avec le producteur de l’époque (Nord-Ouest), les choses n'ont pas pu se concrétiser parce que personne ne voulait financer le projet (malgré le fait que le livre s’était vendu à plus de 2 millions d’exemplaires). Le cinéaste se rappelle :
"Alors, la société de production que j’avais créée avec mes amis d’enfance pour Clara et moi a repris une option sur le livre. D’ailleurs, je voudrais remercier ici l’éditeur Dominique Gaultier et Anna Gavalda, puisqu’ils ont – je crois – toujours gardé les droits cinématographiques pour moi. Le temps a passé, j’ai fait un autre film et deux enfants… Puis, en 2017, j’ai retravaillé le scénario grâce à Rémi Burah d’Arte qui m’avait fait amicalement une très belle note critique. Alors, le film a rencontré son producteur, Marc-Benoît Créancier (Easy Tiger). Et un jour, tout s’est débloqué lorsque Jean-Paul Rouve a dit oui au projet. Ensuite, UGC, très enthousiaste sur le scénario, s’est positionné."
Arnaud Viard a jeté son dévolu sur Jean-Paul Rouve en raison d’un plan dans Les Souvenirs, un film réalisé par l'acteur et dans lequel il interprète un patron d’hôtel. Le réalisateur raconte : "Si je ne le connaissais pas personnellement, je l’avais repéré depuis longtemps comme acteur pour avoir vu au théâtre « Les aventures du Robins des bois ». J’avais rarement vu un comédien aussi drôle. J’ai fait sa connaissance avant le tournage évidemment, et ce qui m’a séduit, c’est l’homme : sa pudeur, sa gentillesse, sa simplicité. C’est très agréable d’échanger avec lui. C’est un bon camarade. Sur le plateau, j’ai découvert un acteur d’une grande finesse, qui comprend tout très vite, et qui, je crois, peut se glisser dans de nombreux univers, et c’est assez rare. Il est très séduisant dans mon film, et l’avoir filmé de cette manière à 50 ans, me touche beaucoup."
Le seul point commun des douze nouvelles est la thématique du désir. Après avoir compris qu’il y avait un nombre infini d’adaptations possibles, Arnaud Viard a fait un choix qui s’est imposé presque inconsciemment mais avec une grande évidence : il est parti de la nouvelle "Clic Clac" qui raconte l’histoire de deux soeurs et d’un frère qui a du mal à couper le cordon avec ses soeurs. Le metteur en scène précise :
"Et puis en travaillant avec Vincent Dietschy, j’ai ajouté à cette fratrie, le Jean-Pierre de la nouvelle « Le fait du jour ». J’avais ma fratrie. J’ai ensuite insufflé à ces 4 personnages des situations, des bouts de dialogues ou d’histoires, que j’ai piochés dans les nouvelles. Par exemple, Juliette est en même temps l’héroïne de la nouvelle « IIG » et celle de « Epilogue ». J’ai créé le personnage de la mère, qui n’existe pas dans les nouvelles de Gavalda, personnage qui me semble essentiel lorsque l’on veut mettre en scène une famille."
Jean-Pierre est représentant chez un négociant en vins. Il a plutôt bien réussi et semble aimer son métier. Mais sous son « costume-cravate » et ses allures de bon père de famille, de mari, de frère et de fils attentionnés, on sent que quelque chose cloche chez lui, que sa vie ne l’épanouit pas, qu’il fait semblant. C’est cette fêlure qui m’a touché. Moi qui ne viens pas d’un milieu artistique, je me suis souvent demandé comment j’aurais vécu si je n’avais pas réussi à devenir acteur. Cette problématique d’arriver à vivre à la bonne place m’a toujours interrogé.
Arnaud Viard voulait se démarquer de l’esthétique du téléfilm plutôt naturaliste en assumant le mélodrame avec les films de Douglas Sirk comme référence. Il confie : "J’aime beaucoup la lumière d’Emmanuel Soyer, lumière qui n’est pas naturaliste, mais un peu décalée, presque théâtrale parfois, comme dans certains mélodrames américains. On est souvent resté dans des déclinaisons de bleu. Je voulais de cette manière souligner le romantisme du film. Ensuite, il y eu les choix de cadres, qui ont été assez instinctifs. Mon désir était d’être près des visages. Je voulais être avec mes personnages, que la caméra rentre dans leurs peaux et dans leurs émotions, et à la fois, je ne voulais pas qu’ils soient étouffés dans le cadre mais qu’ils respirent et qu’il y ait du décor dans le cadre. Je ne voulais pas montrer la famille comme un lieu sclérosant. Enfin, il y avait la maison d’Aurore, qui est le décor principal du film et celui qui me tenait le plus à coeur. Et je l’ai trouvé à deux cent mètres de l’endroit où j’ai vécu enfant et adolescent dans le petit village de Fixin."