Grand habitué du documentaire, José Celestino Campusano s'est, avec Vil Romance, tourné vers la fiction. " Le cinéma est une magie absolue, explique le cinéaste. Et la fiction provoque des moments d'hypnose qui peuvent suivre le spectateur pendant des années. Le documentaire ne produit pas les mêmes effets. J'en tourne aussi et il faut beaucoup de montage pour qu'un documentaire ne soit pas ennuyeux. Ça casse cet effet d'hypnose qui est, selon moi, la fonction exacte du film. "
" Un scénario est généralement le fruit de l'imagination de l'écrivain, de choses qui lui sont passées par la tête. Nous, nous filmons ce que l'univers propose, ce qui était déjà établi, avant même que le tournage ne commence. Il faudrait l'innocence d'un enfant pour pouvoir parfaitement capter cela. Nous cherchons en tout cas une fiction qui contienne plus d'informations qu'un documentaire. Faire un film étroitement lié à la réalité, voilà notre obsession. "
Le rejet de la fiction classique se traduit également chez José Celestino Campusano par l'emploi d'acteurs non professionnels. " On voulait aller plus loin que la simple direction d'acteurs dans un environnement documentaire, explique le cinéaste. Dans Vil Romance, pas une seule personne ne vient du milieu du cinéma. Il n'y a pas eu de casting à proprement parlé, je déteste ça. J'ai pris les gens pour leur vécu. Chaque " acteur " a un passé qui justifie qu'il ait été présent dans ce processus de captation. C'est pour cela que le résultat final n'est pas du tout un produit conditionné. Non seulement ces gens ne viennent pas du cinéma, mais ça ne les intéresse pas. Ce sont des gens entiers, ils n'ont pas d'outil pour mentir. Leurs émotions viennent exploser contre l'objectif de la caméra, il n'y a aucune place pour la censure. La caméra est un objet très sensible qui ne se laisse jamais tromper. "
José Celestino Campusano a choisi de montrer les scènes de sexe de façon explicite, sans aucune coupure. " Il y a effectivement de la violence mais l'essentiel réside du côté de l'aspect anthropologique de Vil Romance, explique le cinéaste. On expose des codes de la vie en communauté. N'importe quel journal de 13h est plus violent que mon film. Voir un enfant abattu par les troupes américaines est immensément plus violent que mon long métrage. Quant aux scènes de sexe, le spectateur doit comprendre pourquoi il y a tant de furie qui se déchaîne. Cette furie est proportionnelle à la tromperie de Roberto. Il faut que le spectateur puisse le palper, et pour cela, il fallait faire plus que l'insinuer. Et puis, s'il y avait des ellipses, ça ne fonctionnerait pas, parce que le film prend ses virages dans les scènes de sexe."
Vil Romance a remporté le Prix de la Critique Française aux Rencontres Cinémas d'Amérique Latine de Toulouse 2009.
Né en 1964 à Quilmes (Argentine) dans une famille de boxeurs, José Celestino Campusano étudie le cinéma au Film Institute De Avellaneda. Jouissant d'une réputation de marginal, de collectionneur de motos vintages, d'artiste versatile, il participe dans les années 80 et au début des années 90 à la réalisation de films indépendants. En 1995, il écrit une anthologie de l'Argentine marginale, composée de 13 nouvelles : Argentine Marginal Mythology. Parmi ses films les plus emblématiques, on peut citer Ferrocentauros, documentaire sur les motards des bas-fonds à Buenos Aires co-réalisé avec Sergio Cinalli, Bosues, court-métrage co-réalisé avec Gianfranco Quattrini, sélectionné au Mar del Plata International Film Festival 2005, ou encore Legion - Motorized Urban Tribes, présenté dans la section "Documentaires d'Amérique Latine" au Mar del Plata international Film Festival 2006.