Le réalisateur a une vision contrastée de sa ville natale: "C'est une ville qui m'inspire beaucoup. Richesse et pauvreté s'y côtoient. Il s'y passe des choses surréalistes, belles, douces ou mauvaises. La scène où Itso ne trouve pas de bière bulgare au restaurant est un clin d'oeil à la prégnance culturelle de l'Occident. Après, toutes les questions liées à l'identité nationale me paraissent dangereuses. Il est important de trouver sa voie intérieure, en dehors de la langue ou autre. On est le produit de son environnement. Mais la clé de tout, c'est de savoir déconstruire ça. C'est là le sujet de Eastern Plays : échapper à son environnement, remplir ce pourquoi on est fracassé, insatisfait et dans une quête perpétuelle frénétique. Quelque part, c'est aussi le sujet de mon prochain film, envisagé dans une forme radicalement différente.
Ami de longue date avec son acteur principal Christo Christov, le réalisateur lui rend hommage à la fin de son film: "On se connaissait depuis longtemps, ayant grandi ensemble à Bourgas, ma ville natale. Nos chemins se sont séparés ensuite. Je suis parti faire mes études puis on s'est retrouvés il y a quatre ans. Je le savais toxicomane depuis de nombreuses années mais je le croyais clean à ce moment-là. Malheureusement ce n'était pas le cas. On s'est rapprochés, il a commencé à se confier. J'ai écrit toute la structure du film en une matinée. Les décors se dessinaient dans ma tête : son appartement, son lieu de travail, le café qu'il fréquentait. On voit aussi sa vraie petite amie dans le film. Sauf que les rôles étaient inversés : c'est elle qui voulait le quitter en réalité. C'était un peu compliqué de maquiller ça parfois dans le film. Le squelette de l'histoire était donc là et il en était le moteur. Christo est mort avant la fin du tournage. J'ai dû utiliser des images que j'avais tournées pour la préparation de mon long métrage. Par exemple, la scène du concert : ce sont des plans que j'ai filmés en DV où l'on peut remarquer qu'il a les cheveux courts. La fin a été modifiée en conséquence. On a décidé de refermer le film sur quelque chose de plus simple et de plus lumineux."
Le réalisateur Kamen Kalev préfère voir son film comme un long-métrage universel plutôt que bulgare comme il l'explique: "Je ne considère pas Eastern Plays comme un film spécifiquement bulgare. Evidemment, Il reflète une partie de la réalité actuelle du pays mais son propos est universel. J'aurais pu aussi bien tourner cette histoire à Paris, à Berlin ou en Suède avec une famille marocaine qui se fait agresser. Par ailleurs, beaucoup de spectateurs se retrouvent dans le personnage principal, quelle que soit leur nationalité. Ils sont touchés par cet homme d'aujourd'hui qui nage en pleine confusion."
La passion pour l'image du réalisateur Kamen Kalev a débuté très tôt dans sa vie puisqu'il faisait déjà de la photographie depuis l'âge de 13 ans. Afin d'éviter l'armée, il s'inscrit à la fac pour y étudier les langues appliquées étrangères. Après deux ans d'études, il décide de passer l'examen pour intégrer l'Ecole nationale de théâtre et du cinéma pour y continuer la photo. C'est à ce moment là qu'il découvre véritablement le cinéma. A cause du communisme, il quitte la Bulgarie en recherche d'une école de cinéma et finit par faire La Femis à Paris. Après plusieurs court-métrages, il retourne dans son pays natal où il commence à réaliser plusieurs films publicitaire pour la télévision. Après deux courts-métrages sélectionné en 2005 et 2007 à la semaine de la critique, il tourne son premier film Eastern Plays, dans une logique de film "guérilla".
Eastern Plays a été présenté à l'occasion de la quinzaine des réalisateurs pendant le festival de Cannes 2009.