Se dédouanant de toutes contraintes pouvant le ralentir dans sa fureur nihiliste, Gavras fait de son film une fuite en avant, une escapade dont l'objectif est sans cesse remis en cause, car finalement moins excitant que la passion de la vie et de ses excès. Le chemin est plus enivrant que l'arrivée, il se nourrit de ce qui donne à la vie sa couleur, la destruction, le chaos, la recherche à tout prix de l'assouvissement de pulsions débordantes et primaires qui deviennent le but même de cette vie car ils en constituent le cœur passionnel et affirme le caractère animal de l'homme. De cette volonté de puissance nietzschéenne Notre Jour Viendra tire une magnifique poésie de la douleur, perceptible dans le jeu d'acteurs, dans le rapport ambigu mais tellement conjoint et apparenté des deux protagonistes. Rappelons tout de même que la quête initiatique était l'affirmation des deux compères de leur identité d'êtres " sans peuple, sans langue, sans armée ", d'avoir seulement en commun leur chevelure rouquine qu'il ne cherchent pas vraiment à défendre, sinon à s'en servir comme prétexte. Plutôt que de se propulser vers le haut, à la manière de Martin Luther King, d'un Gandhi affirmant la fierté qui est la leur d'être ce qu'ils sont, Rémy et Patrick préfèrent tirer les autres vers le bas, les ramener dans des tréfonds barbares. Qu'ils soient juifs, arabes, gays, geeks... tout le monde y passe, non sans un sens peu commun du sarcasme en suggérant, même explicitement, l'homosexualité de Rémy. En utilisant savamment cet humour noir corrosif qui s'allie magnifiquement avec l'art de la palabre dont fait preuve Patrick (Cassel), capable de convertir le curé le plus pieux en homme décadent à la Dorian Gray, si si, c'est tout le film qui s'embrase dans cette sorte de folie furieuse, destructrice qui pourtant se pare d'arguments fuyants paradoxalement tellement vrais. Dans la ligné d'un Blier, Gavras veut montrer à travers sa paire de roux ( je vous épargne la blague de la bicyclette... ) que l'individualisation prétendue a en fait amené à une homogénéisation du genre humain, lié par sa bêtise, son intolérance, auxquelles s'oppose l'ultra-violence certes, mais l'honnêteté troublante qui se dégage du duo. Cette violence toute à la fois physique et psychologique n'est pas sans rappeler celle d'un Pasolini qui avait clairement mis son art au service de l'explicitation de celle ci.
Mais Notre Jour Viendra n'est pas seulement sujet à exploiter la violence comme fin, il s'en détache et la transcrit comme un cri de désespoir et de rage, qui dans un dernier sursaut de vie, blessés mais remplit de courage, permet à nos deux compagnons de s'envoler vers leur dernière aventure, leur dernier combat, qu'il soit livré ou pas, finalement l'essentiel n'est pas là...