Le réalisateur Joshua Safdie explique : « Le personnage de Lenny est inspiré de notre père. C’est un film que nous portions en nous depuis très longtemps, et que nous avions besoin de faire pour essayer de comprendre ce que nous avons vécu. », et il ajoute « Au final, Lenny and the Kids est autobiographique, mais, disons, dans un sens purement émotionnel : il est moins fidèle à la façon dont les choses se sont effectivement déroulées, qu’à la manière dont ces souvenirs se sont sédimentés en nous. Au fil de l’écriture, il s’est développé comme une espèce de fréquence mentale et émotionnelle, dans laquelle nous avons ensuite intégré l’équipe et les événements. »
Son frère précise : « L’appartement dans lequel nous avons tourné, par exemple, est devenu une sorte de musée vivant, bâti à partir de nos souvenirs. Nous l’avons entièrement aménagé afin d’en faire, plus qu’un décor, une expression de cette fréquence : le moindre placard était rempli d’objets, de choses qu’on ne voit pas à l’écran, mais qui ont permis de plonger les acteurs, et l’équipe, dans cette vibration particulière. »
Le titre original du film "Go Get Some Rosemary" "est une expression argotique inventée pour évoquer les moments où la joie et la tristesse se rejoignent irrésistiblement. Personne ne sait où sont les limites, mais nous passons de l’une à l’autre avec toujours un voile sur les yeux et les poings haut levés. Ce qui est heureux peut être triste, ce qui est triste peut en fait devenir une expérience ; ça rend de toute façon la vie intéressante, et c’est ce qui finit par advenir dans tout ce que fait Lenny (consciemment ou inconsciemment)", expliquent les réalisateurs.
« Lenny est un homme (et par intermittence un père) qui dissimule sa tristesse sous le rire. Il est tout à la fois égoïste, adorable, bizarre et rigolo, triste, perdu et éreinté. Il sait ce qu’est une bonne décision mais il ne fait pas souvent le bon choix. Pour lui le raisonnement, si on peut l’appeler ainsi, ne se met en œuvre que dans des moments extrêmes. Il affrontera l’essentiel aussitôt qu’il se retrouvera à marcher sur les mains. Il donnera des somnifères à ses enfants juste pour leur épargner l’horreur de se réveiller seuls. Ce qui est un problème pour Lenny est en même temps la solution. Il se nourrit et vit sur la possibilité d’un avenir, mais seulement si cela doit pouvoir être raconté en tant que souvenir. »
« J’ai rencontré Ronald Bronstein (Lenny) à l’occasion d’un festival au Texas, où il présentait Frownland et moi un court métrage, We’re Going to the Zoo. J’ai tout de suite été très impressionné par sa stature, c’est quelqu’un qui dégage une intensité incroyable, il m’évoquait les acteurs du muet. Un des programmateurs du festival nous a encouragés à nous rencontrer, parce que nos films avaient beaucoup en commun. Je l’ai finalement recroisé à New-York, alors qu’il projetait un film de Wiseman – Ronnie est projectionniste dans la vie, comme son personnage – et c’est là que je lui ai proposé le rôle. »
Les œuvres qui ont influencé la création de ce film ne viennent pas seulement du cinéma. En effet, la photographie et la littérature ont aussi été une très forte source d’inspiration : « Nous avons été très influencés par la photographie et notamment le travail d’Annelies Strba, et son livre Shades of Time. Ce sont des scènes de famille, des photos de son mari en train de coiffer ses enfants, de sa fille dans son bain… ».
« Il y a également la littérature Russe, Gogol Les âmes Mortes, une comédie tragique qui parle d’un homme errant sans maison. Il y a aussi la mélancolie et la profondeur des personnages d’Hemingway et Josh Cheever », expliquent les réalisateurs.
Parmi les œuvres cinématographiques qui les ont inspirés, on retrouve Milestones de Robert Kramer, Une femme sous influence de Cassavetes, Bleak Moments de Mike Leigh et beaucoup de cinéma français avec les films de Truffaut (L' Argent de poche ou Les Quatre cents coups) ou de Robert Bresson, Le Vieil homme et l'enfant de Claude Berri ou encore Mon oncle de Jacques Tati. De même, les deux cinéastes avouent avoir été marqués par le cinéma iranien des années 90.
Sage et Frey sont interprétés par Sage Ranaldo et Frey Ranaldo qui sont réellement frères. Afin d'éviter que leur jeu ne soit altéré par la présence du matériel et des professionnels du cinéma, les deux enfants n'avaient pas de script et se calquaient sur le comportement de Ronald Bronstein (Lenny) pour savoir que faire. L’acteur allait les chercher à l’école tous les jours (leur vrai école) et Joshua et Benny Safdie les attendaient dans leur appartement pour tourner avec eux: « Quand vous tournez avec des enfants, il est important que votre présence n’empiète pas sur la leur, il ne faut surtout pas les filmer de haut, les écraser par la technique, le professionnalisme. Dans les scènes d’appartement, il n’y avait que Josh et moi, afin de préserver la spontanéité de leur relation avec Ronnie. », confie ce dernier.
Les frères Safdie ont présenté leur film Go Get Some Rosemary pendant la Quinzaine des Réalisateurs du Festival de Cannes 2009.