Ce film de Fabienne Berthaud marque la seconde collaboration de Diane Kruger avec la réalisatrice. En 2006, la comédienne tenait le rôle-titre dans Frankie qui relatait les tribulations d'un jeun mannequin émigré à Paris et essuyant refus sur refus de la part des agences. Au cœur du cadre, la même jeune femme revenait sans fard, prostrée. Cernes, teint pâle, regard perdu, cheveux battus. Autour d'elle, des fous s'agitant. Sa carrière de mannequin était finie. Elle n'était plus qu'un cadre vide, son nom Frankie résonnait comme pour revêtir un tant soit peu son corps en perdition.
Dans Pieds nus sur les limaces, Diane Kruger réapparaît à la fois fragile et forte, sur le fil. La réalisatrice explique que cette deuxième collaboration sonnait comme une évidence: "Il n’était pas question que je fasse ce deuxième long-métrage sans elle (...) Elle est capable d’exprimer les choses dans les silences avec beaucoup de subtilité".
La musique du film a été composée par Michael Stevens, qui a signé les B.O. de trois films de Clint Eastwood: Lettres d'Iwo Jima, Gran Torino et Invictus. La réalisatrice raconte que l'entente a été immédiate et que le compositeur a su "lire" les images du film: "il m’a demandé de lui montrer des images. Je le sentais curieux. Un jour, il est arrivé au montage avec ses guitares, un synthé… Il s’est mis devant l’écran et a commencé à jouer. Ses instruments ne sont plus jamais repartis" raconte t-elle.
A ces compositions se sont ajoutées d'autres créations originales signées Manu Katché, Kyle Eastwood, Crofton Orr ou encore Scott Barnhill…
Qu'on se détrompe, le film de Fabienne Berthaud est loin d'être une simple comédie. Le drame s'y exprime notamment à travers le personnage de Lily à mi-distance de l'humour et de la tragédie. Ludivine Sagnier campe une drôle et dérangeante femme-enfant qui se plaît à épousseter les taupes mortes et à empailler les queues de chats. Elle offre également son corps, sans concession ni mesure, à un groupe d'adolescents excités. Grâce à la facture de Valérie Delis, la directrice artistique, Fabienne Berthaud est parvenue à retranscrire le monde de Lily. Valérie Delis a créé les tabliers de Lily, ses pantoufles, elle a dessiné son atelier au fond du jardin, prêté ses œuvres pour les mettre dans la chambre du personnage. Elle a également circonscrit un espace en pleine forêt qu'elle a habillé et peuplé à sa guise, décorant les branches et le sol.
Frankie avait été réalisé avec les moyens du bord, Fabienne Berthaud disposait de peu de financements et l'équipe n'était constituée que de trois personnes!
Pour sa deuxième réalisation elle suit encore l'esthétique naturaliste de John Cassavetes (qu'elle cite comme référence première) et refuse de se laisser noyée par la technique. Pour Pieds nus sur les limaces, Fabienne Berthaud ne disposait que de deux caméras, l'une à l'épaule et l'autre fixe, un parti pris qui devait contribuer à rendre réaliste l'opposition initiale des deux sœurs. Le film a donc été tourné à la lumière naturelle pour les scènes d'extérieur et la réalisatrice explique combien l'aspect granuleux de la photographie lui importait. Elle raconte comment la rencontre avec sa chef opératrice a été déterminante pour l'esthétique du film: "Quand j’ai rencontré Nathalie, je lui ai dit : " Je ne veux pas de lumière ». C’est un peu paradoxal de dire cela à un chef opérateur (...) Pour les extérieurs nous nous sommes calés sur le trajet du soleil, et pour les intérieurs, elle a fait sa lumière sans jamais porter préjudice à ma façon de travailler. Je lui en suis très reconnaissante."