Dans la doctrine chabrolienne, Violette Nozière tient une place à part, comme à contre-courant de ce que l'auteur nous sert habituellement ; mais l'illusion est trompeuse. Ce Flaubert d'aujourd'hui, ce spécialiste de la bourgeoisie française, qu'il ne cesse de disséquer et d'explorer, transpose une histoire inspirée d'un fait réel dans une famille qui ne possède pas socialement ce rang si courant chez l'auteur. Pourtant, elle en distille l'essence. Bien sûr, et vous vous en doutez aisément, l'étude humaine se structure sur l'ambiguïté de ses personnages ; tout le projet semble à priori se détacher du schéma traditionnel, l'ambiguïté étant bipolaire, inévitablement complexe et d'une obscurité étonnante. Tout d'abord, le premier groupe se forme autour de Stéphane Audran et Jean Carmet, les parents de Violette Nozière ; le deuxième membre se compose exclusivement de cette dernière, exceptionnelle dans le rôle titre. Ces deux camps en confrontation perpétuelle ne peuvent jamais, et ce serait une erreur d'interprétation, plaidoyer pour la vérité du récit qu'ils illustrent différemment tous les deux. Néanmoins, la conséquence est limpide : cette fille de dix-neuf a empoisonné ses parents. Fait indéniable, les surréalistes utilisèrent cette source d'un banal fait divers pour parler d'inconscience, ce courant étant bâti sur la rêverie, cette notion d'écriture automatique qui s'image céans dans l'action de ce personnage. Qui a raison ? Ce n'est même plus la question, et Chabrol l'a bien compris ; l'enquête policière est surannée. Au lieu de filmer l'explicite, le réalisateur nous présente l'ambiguïté d'une famille française modeste mais profondément bourgeoise et traditionnelle dans la pensée. Derrière cette image conservatrice, les parents sont vus, sous l'oeil de leur fille, comme des pervers ; Violette Nozière peut-être jugée de mégère. L'effet miroir est saisissant. Au final, la vérité est inaccessible, apparente. Un Chabrol qui doute, cela n'a pas de prix.