La réalisatrice évoque ses motivations : "L'idée de ce film est partie du fait que personne ne parle de ce qui se passe aux Comores, ou alors de façon superficielle et très incomplète. On parle peu de toutes ces personnes qui meurent noyées dans la traversée entre l'île d'Anjouan et de Mayotte, les milliers de "morts Balladur" comme on les surnomme là-bas, on n'évoque jamais les 21 condamnations de la France par l'ONU depuis 1975 pour non respect du droit international, et encore moins de la chasse actuelle faite à des clandestins qui sont en réalité sur leur propre territoire ! A tel point que même les fonctionnaires nommés là-bas peuvent vivrent plusieurs années à Mayotte sans vraiment savoir ce qui s'y passe ! C'est ahurissant. C'est comme un grand secret que gouvernement après gouvernement on a patiemment étouffé, un morceau de Françafrique pas bien reluisant, un " contentieux désagréable " comme l'avait qualifié François Mitterand lors d'une visite à Moroni, avec des conséquences actuelles plus que tragiques."
En décembre 2008, quelques semaines avant la sortie du film en salles, le site du quotidien Libération publiait une vidéo accablante témoignant du sort réservé aux clandestins dans le centre de rétention de Mayotte. Suite à l'émotion suscitée par ce document, le Secrétaire d'Etat à l'Outre-mer Yves Jego promettait qu'un nouveau centre de rétention serait créé dès 2010.
Refusant à la fois une forme platement télévisuelle et une stylisation trop forte, Agnès Fouilleux a opté pour une approche originale sur le plan visuel (avec des superpositions d'images) et sonore (grande variété de sons : musiques, voix des médias...). Elle précise sa démarche : "Peu m'importe que les gens qui sortent d'une projection sachent précisément ou se situent les Comores sur le globe ! Ce que j'ai voulu mettre en évidence, ce sont des phénomènes sociaux, humains, dans un contexte et un processus politique en cours, en montrer les effets dans la vie de gens ordinaires que sont les personnages sur l'écran... Toucher à cette matière humaine qui disparaît dans les statistiques du journaliste, et la montrer par les outils du cinéma : le son, l'image, le montage, la musique... Donner à vivre au spectateur aussi bien le malaise du clandestin dans son long voyage, la pression constante du départ, de la survie, de l'inconnu, l'humiliation vécue, que l'angoisse des policiers à l'abordage..."
Agnès Fouilleux revient sur les difficultés qu'elle a rencontrées pour financer son film : "Aucune des tentatives d'obtenir un diffuseur au préalable pour recevoir une aide du CNC et de la région n'ont abouti. Un décideur d'une chaine hertzienne du service public m'a même dit qu'il pouvait être intéressé à condition d'oublier le contenu " politique " de l'histoire... Un autre a répondu que c'était " salir la France " que de divulguer de pareilles informations... J'ai été très étonnée que France O accepte de diffuser le film après postproduction. Mais ça n'a pas été sans remous notamment à Mayotte..."
Journaliste et photographe, Agnès Fouilleux a déjà réalisé deux documentaires sur le thème des migrations : Himalaya, 3 générations en exil en 2006 et Tibet clandestin en 2005.